Ils cherchèrent l'adresse qu'un des gardiens des registres de Bree leur avait indiquée. Il était clair que ce ne pouvait être la première masure juste à côté de l'entrée. Alors ils cherchèrent, enfin il chercha, Perledo se contentant de suivre son ménestrel adoré. Elle savait qu'elle pouvait compter sur lui pour ce genre de choses, tout comme pour le reste.
Donc il la guida, parfaitement heureux. Non pas d'être un quelconque meneur mais simplement de pouvoir s'occuper de sa Perle, d'être avec elle serrant tendrement sa main dans la sienne. La recherche de cette maison de confrérie ne prit point trop de temps. L'orientation n'était pour lui pas un grand souci. Il faut bien qu'il y en ait un des deux qui sache où ils vont…
Après avoir descendu le chemin et traversé un petit ponton en bois, ils arrivèrent enfin au 5 route de la rive. La maison adossée à la falaise était splendide et le cadre grandiose. Le bruit de la cascade provenant de la droite avait cet incroyable pouvoir d'apaiser les esprits tandis que ruisselaient paisiblement les eaux du fleuve Lhûn sur la gauche. Quelques arbres et fleurs décoraient de façon claire et aérée les jardins de la majestueuse demeure. Finsûl apprécia cet environnement qu'il trouva absolument de très bon goût. L'air était calme, tranquille, comme il l'a toujours été dans ces quartiers. Pourtant Perledo se crispa davantage au fur et à mesure qu'ils se rapprochèrent de la porte d'entrée. Heureusement ses cheveux courts ne se laissèrent pas décoiffer sous le coup des quelques légères brises qui se firent sentir par moments. Cela n'aurait pas été pour la détendre. Elle était….sereine. Ce dont elle se persuadait sans cesse depuis qu'ils avaient franchi l'entrée du quartier résidentiel il y a de cela une éternité. Et l'éternité pour une Elfe…
Ils passèrent devant la boîte aux lettres. La porte se trouvait désormais juste devant eux. La gardienne se tourna vers le ménestrel, un large sourire crispé aux lèvres. Elle referma encore plus sa main sur la sienne. Il la connaissait comme personne et il savait que ce sourire cachait un certain malaise, une certaine inquiétude. En fait un parfait inconnu l'aurait tout aussi bien vu. Il lui sourit avec tendresse, et, tentant de ne rien laisser transparaître, laissa tout de même perler une larme sur sa joue. Sa main l'aurait moins fait souffrir broyée sous le pied d'un balrog. Un oiseau passa dans le ciel.
Après quelques mots de réconfort envers sa compagne et prétextant qu'il était hors de question qu'ils restent trois heures de plus devant cette porte, il réussit à libérer sa main, de laquelle il n'avait plus aucune sensation, et à frapper. La réponse tarda à venir. Alors Finsûl adressa un sourire apaisant à Perledo et frappa de nouveau. Le silence… La gardienne, quelque peu inquiète et toujours prête à tomber sur son compagnon dans ces moments-là, à n'importe quel moment d'ailleurs, demanda:
"Que se passe-t-il?
- Rien, rien, c'est normal" répondit-il d'un air qui n'avait de rassurant même pas le nom.
"Dis donc Finy, t'es sûr que c'est la bonne adresse?" enchérit-elle, cherchant immédiatement une erreur chez l'autre avant qu'on en trouve une quelconque chez elle, même si aucune faute n'avait été commise.
"Evidemment que c'est la bonne adresse, enfin!" Perledo ne sachant jamais où elle va, elle était bien obligée de le croire…
"Peut-être sont-ils occupés. Ce sont des personnes importantes qui ont beaucoup de travail" reprit-il.
"Ils pourraient au moins recevoir leurs invités!" commença à grogner la gardienne.
"Pas faux…" acquiesça le ménestrel.
Après quelques interminables minutes de patience, Finsûl tapa à nouveau à la porte, un peu plus fort que la fois précédente.
"Mais pourquoi n'ouvrent-ils pas?!
- Ils sont certainement occupés. Je ne vois que ça…
- Je sens que je ne vais rester très longtemps!
- Enfin mon amour, fais preuve de patience… Occupés par leurs importantes affaires, ils n'ont pas dû nous entendre…
- Evidemment! Vu la fougue et la hargne avec laquelle tu frappes à la porte, ce n'est guère étonnant!
- tu exagères, je frappe correctement…
- Si tu le dis…"
Finsûl l'aime, même lorsqu'elle est comme ça. Elle est tellement merveilleuse!
Quant à lui, c'est un don qu'il a de l'amener dans des endroits isolés à l'autre bout de l'Eriador, rencontrer des inconnus qui ne vont même pas ouvrir la porte quand on frappe et devoir la faire "patienter" pendant plusieurs…heures? Minutes? Enfin très longtemps! Trop longtemps voilà! On lui fait confiance et puis….bref.
Finsûl lui sourit tendrement. Elle lui rendit son sourire laissant toutefois transparaître son stress et son agacement. Quelques instants plus tard, il refrappa un peu plus fort. N'entendant toujours aucune réponse, il commença à faire le tour de la maison et à l'examiner, l'air de rien, en sifflotant et en faisant semblant de regarder un peu partout. Il porta le regard tour à tour sur le mur, l'oiseau qui chante, le bac à fleurs, le ciel… Puis il se dirigea négligemment vers la boîte aux lettres, l'examinant sous toutes ses coutures. Il revint finalement à côté de Perledo.
"Tu vérifiais l'adresse?
- Non, non, pas du tout, je regardais…
- …"
Un oiseau passa dans le ciel.
Elle décida de s'asseoir car cela ne valait pas le coup. Tout ceci, et les âneries de l'Elfe avant tout, lui firent oublier son stress. Mais elle était bien trop exaspérée pour s'en apercevoir.
Le ménestrel attendant toujours une réponse se remit en route nonchalamment et continua son petit tour sur la propriété avec une démarche légèrement chaloupée, regardant à droite, à gauche, un coup en l'air, un coup en bas tout en sifflotant par moments car cela donnait un air décontracté. Perledo prenait son mal en patience, et elle en avait énormément, et se disait que cet Elfe était vraiment ridicule.
Après avoir admiré tous les aspects de la résidence, Finsûl alla se placer devant l'entrée et commença à taper du poing sur la porte en criant: "Ouvrez, nous sommes là! Y a quelqu'un? Ouvrez s'il vous plaît!". La gardienne y vit une lueur d'espoir que son compagnon commença à prendre les choses en main. Enfin…à faire quelque chose…un truc…au lieu de faire semblant de siffler et de se dandiner tout autour de la maison. "Il ne sait même pas siffler" pensa-t-elle, désabusée. Heureuse de voir les choses quelque peu évoluer, elle se leva et alla cogner elle aussi sur cette porte qui refusait obstinément de s'ouvrir. Et il se dit tout de suite qu'elle était une Elfe vraiment extraordinaire de venir mener ce combat à ses côtés. Il ne lui vint qu'un seul mot pour elle: merveilleuse. Il ne lui vint qu'un seul mot pour lui: incapable.
"Finy, t'es sûr que c'est ici? T'es sûr qu'ils sont là?" Sa voix n'était pas des plus douces…
"Mais évidemment que j'en suis sûr! Nous sommes à la bonne adresse…" Il regarda tout autour de lui puis ajouta: "…dans le bon quartier…"
Tous deux se mirent à cogner sur la porte comme des trolls pour être certains d'être entendus, en s'égosillant pour ajouter une couche de certitude. Force était de constater que cette porte avait été conçue pour encaisser les chocs. Elle tremblait à peine. Fabriquée par les Eldar, nul doute possible. Le couple d'Elfes s'épuisa à manifester sa présence jusqu'à ce que Finsûl les interrompe:
"Attends Perle, visiblement ils ne nous entendent pas.
- T'es sûr?
- Oui bon… j'ai une idée." Il commença à tendre son bras en direction de la poignée de la porte.
"Mais Finy! Qu'est-ce que tu fais?!! Tu ne vas pas rentrer chez les gens comme ça?!
- Mais non! Pour qui me prends-tu? Je veux juste entrouvrir la porte et passer mes lèvres pour les appeler. Cette porte semble absorber tous les bruits…
- Bon d'accord… Mais tu n'ouvres pas complètement! C'est juste pour les appeler, hein?
- Oui, oui, ne t'inquiète pas."
Finsûl serra dans sa main la poignée de la porte, la tourna et poussa. La porte ne bougea pas. Alors il se retourna vers Perledo, affichant un sourire qui se voulait confiant mais la confiance ressemblait étrangement à de l'embarras… Il poussa plus fort sans que cela ne change quoi que ce soit.
"Finy?
- C'est fermé, y a personne. Viens on s'en va."
Sans attendre une quelconque réponse qu'il savait mortelle et devoir essuyer, il prit la main de son aimée et la tira en direction de la sortie du quartier, se demandant s'il ne ferait pas mieux de la laisser suivre à quelque distance derrière lui… Il venait de faire une croix sur l'éternité des Elfes à laquelle il avait droit, et tenter de noyer le poisson dans une grossière précipitation ne servait à rien. Il ne le savait que trop bien.
"Finyyyyyy!!!!!!!!!"
Ils s'étaient trompés de jour, c'était fermé.
Sam 10 Jan - 14:42