Andewen laissait ses doigts glisser le long des cordes de sa harpe, donnant naissance à une mélodie aussi mélancolique que l’était son cœur. Enfermée dans cet endroit qui lui servait de refuge, elle était là à jouer le même air depuis des heures. Ses joues étaient encore humides des larmes qu’elle avait versée et ses yeux trop brillants trahissaient sa tristesse. Ses bras lui faisaient mal à force, mais cette douleur là ne pouvait en rien rivaliser avec sa peine. Soudain sa main se stoppa, la dernière note produite par la corde vibrant sembla flotter un instant dans l’air.
Pourquoi alors qu’elle commençait seulement à se sentir en confiance parmi les Ombres avait il fallu qu’elle gâche tout ? Elle était seule et perdue, ils lui avaient tendu la main. Pourtant elle aurait dû savoir qu’elle ne serait pas à la hauteur. Cela avait commencé avec l’enlèvement de Dame Melwaen, celle qui gentiment l’avait prise sous son aile et lui avait octroyée un peu d’importance en l’autorisant à devenir son aide personnelle. Dès le matin elle avait senti que quelque chose n’était pas normal. La dame était si ponctuelle, si ordonnée cela ne lui ressemblait pas de ne pas lui avoir envoyé le courrier quotidien résumant les tâches qu’elle devrait accomplir. Et pour tout aggraver elle avait trop attendu devant cette porte avant de donner l’alerte. Elle aurait dû faire part aux Ombres de ses inquiétudes dès le matin. Melwaen aurait sans doute ainsi été libérée bien plus tôt.
Puis il y avait eu Llestael, celui qu’elle admirait tant, un elfe d’une infinie prestance. C’était curieux mais elle s’était sentie proche de lui dès leur première rencontre. Et ce soir là alors qu’elle se sentait seule et coupable il était venu vers elle. Ils avaient un peu discuté et contrairement à son habitude elle s’était sentie prête à se dévoiler. Elle avait le sentiment qu’il pourrait comprendre et surtout, surtout ne pas la juger. Mais son parrain, comme il aimait à se faire appeler, la laissa seule avec tous ces mots qui avaient eu tant de mal à passer la barrière la plus secrète de son cœur. Ils moururent sur ses lèvres. Oh bien sûr elle ne lui en voulut pas, il ne pouvait pas deviner. D’ailleurs il s’en excusa peu de temps après, expliquant qu’il avait dû partir pour rencontrer une dame, un problème à régler.
Et enfin Edeith… Ils avaient parcouru les terres ensemble, brandi l’épée face aux mêmes adversaires. Elle avait toujours pu compter sur lui, sur son soutien et c’était la première personne qu’elle avait croisé alors qu’elle se sentait au fond du gouffre. Et voilà que le jeune homme lui avait avoué qu’il nourrissait pour elle des sentiments plus profonds que de la simple amitié. Quelle surprise cela fut pour Andewen ! Jamais elle n’aurait pu penser que quelqu’un la regarde avec ces yeux là…Elle était déjà tellement honorée en pensant avoir l’amitié de son compagnon bien qu’elle savait ne pas en être à la hauteur. Mais là… Bien sûr il s’était senti repoussé par sa réaction, elle l’avait blessé sans le vouloir. Elle avait essayé de lui expliquer qu’elle n’était pas digne de son amour, qu’elle ne savait pas elle-même qui elle était. Comme toujours elle avait tant de mal à dévoiler ce qu’elle cachait au fond d’elle. Ils s’étaient quittés ainsi ou plutôt voyant que ce qu’elle disait le rendait encore plus malheureux elle s’était enfuie.
Elle laissa retomber doucement la harpe sur le sol et regarda par la fenêtre. La lune avait déjà bien entamé sa course descendante à travers le ciel. Il devait donc être bien tard et de toute façon elle se sentait vidée. Elle s’affala sur son lit de fortune et sombra dans un sommeil torturé de cauchemars.