Tout s'était déroulé de façon étrange.
En fait, c'était même complètement glauque. Ce jour là Atanys avait eu le bon sens de faire une pause avec Leilla derrière les murs d'Ost Guruth. Les terres solitaires sont un lieu très calme où passe peu de voyageurs, une planque idéale pour qui a quelque chose à cacher. C'était le cas d'Atanys, mais aussi de Leilla. Après un petit repas un peu plus copieux qu'à l'habitude, la ménestrel s'était mis en tête d'apprendre à son amie à jouer du cor. Aussi le maître du savoir se surpris lorsqu'en recevant ce cours très particulier, elle se trouva plutôt douée. Mais toutes ces petites activités prirent fin rapidement lorsqu'un nuage entama le moral d'Atanys. C'était le mal qui progressait encore, son regard était posé sur elle. Pas l'oeil non, un autre regard. C'était encore ces rêves qui la hantaient. Après quelques recherches, Atanys s'était mis dans le crâne de se rendre à Fancombe pour mener des recherches, mais c'était désormais évident : Cette obsession, cette porte qu'elle voyait sans cesse, ce n'était autre que la Moria. Mais que pouvait-elle bien avoir à faire là bas ? En quoi serait-il bénéfique pour elle de se rendre dans un tel lieu ? Ce ne le serait sûrement pas du tout, justement et c'était d'autant plus dangereux que la route pour s'y rendre est parsemée d'embûches.
-Je crois qu'il va falloir qu'on bouge Leilla. Il ne faut pas que le nuage me rattrape.
Leilla sembla commencer à faire la tête légèrement. Serrant les doigts sur son instrument, la ménestrel se demanda combien de temps allait encore durer tout ce cinéma ? La vérité c'est que la jeune Elfe commençait à ne plus en pouvoir de toujours courir, de toujours fuir et de voir son amie se dégrader depuis quelques temps. Et c'était de pire en pire ! Agressivité, mépris, solitude, tous ces traits symboles du mal commençaient à s'accentuer chez elle. Leilla pouvait sentir qu'Atanys était malade et bientôt cela risquait de l'atteindre elle aussi.
-Atanys ? Combien de temps allons-nous fuir ? Combien de temps je vais devoir craindre de pauvres nuages plus gris que les autres sans la moindre explication ?
Et un silence s'instaura entre les deux. Encore une journée qui allait débuter du mauvais pied. Mais c'était devenu leur quotidien, de toute façon. Elle était là, debout dans sa robe rouge, aussi désolée que les terres qui les entouraient. Mais Leilla ne cherchait plus à comprendre son amie depuis longtemps, elle composait avec, sans broncher. Atanys s'avança vers elle, posant une main amicale sur son épaule.
-Je sais que je t'en demande beaucoup, mais tout sera bientôt fini. Je dois seulement me rendre à Fancombe faire des recherches, pour le moment. En route maintenant, je pense que la journée va être belle, pour une fois.
Mais pour Leilla, les jours étaient déjà tous plus sombres les uns que les autres.
C'est un hasard si en faisant un tour près de la maison de confrérie pour manger un morceau, les deux Elfes croisèrent Hyolendas, plus tard dans la journée. Le chasseur semblait attendre quelque chose. Atanys savait que depuis peu, il avait échangé quelques mots avec Leilla sur divers sujets, ce qui en soit ne rassurait pas du tout Atanys qui restait toujours méfiante face aux gens qui approchaient son amie de trop près. Aussi les échanges furent un peu tendus au départ. Hyolendas croyait dur comme fer en l'amour et en son pouvoir, ce qui était tout l'inverse de la ménestrel et de la maîtresse du savoir, autant le dire. Il est difficile d'aimer lorsque son vécu nécessite que l'on ne s'attache jamais.
-Les mots n'ayant pas d'influence sur vous, j'aimerais vous montrer un endroit. Mais vous devez promettre de ne jamais en divulguer l'existence à qui que ce soit !
Sur ces mots du chasseurs, Atanys croisa son regard timidement, n'osant pas vraiment le plonger dans le sien. Il avait raison, les mots n'auraient pas d'impact sur elle, ils n'en avaient jamais eu car elle en avait trop entendu, elle avait trop voulu les croire pour continuer d'avoir foi en eux. Les mots n'étaient que des sons faits pour trahir celui ou celle qui peut les entendre. Il était évident que marcher un peu ne lui ferait pas de mal et qu'il n'en ferait pas plus à Leilla. Aussi les deux Elfes, même si elles n'avaient pas prévu cela, acceptèrent de suivre Hyolendas pour marcher un peu jusqu'à ce fameux endroit dans lequel il semblait aimer se recueillir, selon ses dires.
-J'espère que cet endroit que vous semblez chérir sera plus parlant pour moi, cher ami.
Et sur ces mots d'Atanys, ils engagèrent la route qui fut assez longue, jusqu'en Evendim. Là un lac semblait s'étendre à perte de vue, un endroit magnifique sans en ajouter. Hyolendas continua sa marche, à travers champs mais aussi à travers les eaux douces et chaudes de l'étendue. Suite à une pause auprès d'un feu, ils finirent leur périple devant une cascade, en apparence tout à fait ordinaire. Atanys était jusqu'alors restée silencieuse, écoutant les champs que faisait Leilla pour accompagner leurs pas.
-C'est cela, votre endroit miracle ? Laissez moi rire !
Ricana Leilla avec une once de prétention, se déhanchant légèrement pour secouer ses cheveux dans le sens du vent. Atanys eut envi de rigoler aussi lorsque sa jeune amie se montra pour le moins coquette. Il fallait avoir du sang de roi pour être aussi à l'aise dans un rôle aussi bourgeois. Hyolendas semblait se concentrer sur les environs, attentifs à tous les détails, ce qui poussa Atanys à faire de même. L'endroit était en fait plutôt joli.
-Il faut courir à travers la cascade, sans jamais s'arrêter.
S'écria-t-il.
Atanys le vit alors partir et disparaître sous les eaux. Un peu paniquée, elle commença par pousser un léger cri, un peu étouffé. Elle n'avait pas peur de l'eau, mais disons que ce n'était pas l'élément qui la mettait la plus à l'aise. Leilla, qui elle était trop curieuse, se précipita aussitôt à la suite du chasseur pour traverser les eaux. Une fois seule, la maîtresse du savoir admis qu'elle n'avait plus le choix, aussi elle se lança, accompagnée de son ami Iminas, un corbeau noir comme la nuit et fidèle depuis des âges.
-Mon dieu ...
Atanys venait de s'écrouler sur le sol pierreux, les mains à plat pour retenir le poids de son corps. Les trois Elfes se trouvaient maintenant dans une sorte de construction sous la cascade, une espèce de caverne aménagée. Au bout d'un couloir un peu plus loin retentissait le bruit d'autres chutes d'eau. Une main se tendit alors vers Atanys, toujours sous le choque d'une telle beauté. C'était lui, bercé par un halo inconnu qui la releva délicatement, la fixant d'un regard heureux. Atanys sentit ses pommettes rosir légèrement face à Hyolendas qui lui semblait la dévisager encore un instant.
-Venez !!
Cria Leilla déjà bien loin.
Atanys fixa le chasseur un instant, puis, manquant de glisser sur la pierre humide, l'Elfe parti en avant rejoindre son amie. Si la première pièce était divine, ce n'était qu'une croûte comparé à celle qui suivit ! Atanys se frotta les yeux pour s'assurer qu'elle n'était pas en train de rêver. La pièce était plutôt ronde, les murs recouverts par de magnifiques chutes d'eau claire. Un petit chemin de mousse conduisait jusqu'à un cercle d'arbres au centre duquel se trouvait de nombreux animaux. Atanys suivit une grenouille qui avançait lentement vers les arbres pour découvrir ce qui les attirait là-bas. Poussant une branche, puis une autre, l'elfe tomba alors nez à nez avec une femme de couleur bleue, un visage d'ange et la prestance d'une Reine.
-C'est la Dame du Lac ! Maman me lisait souvent ses histoires !
Cria Leilla, un grand sourire sur les lèvres.
Et les deux amies s'émerveillèrent encore un long moment, quand soudain ...
-Hyolendas ?
Atanys se rendit alors compte que le chasseur était parti à l'écart, s'asseoir au bord de l'eau. Il était pensif, rêveur, l'air d'un homme d'une sagesse infinie et pourtant à ce point torturé ! La maîtresse du savoir voulu tout de suite comprendre, intriguée par un mal être qui survivait même à ces lieux. Aussi elle se posa à ses côtés et en suivi une longue conversation pleine de rebondissements. Ce qui se passa en ces lieux doit rester un secret, cependant, ces événements resterons à jamais gravé dans la mémoire de chacun ...