Thuranor s'était allongé à l'ombre d'un des nombreux et majestueux saules bordant la propriété des Ombres.
Bercé par le chant des oiseaux et la douce caresse du vent, il avait peu à peu sombré dans la ouate d'une sieste réparatrice.
Ses rêves l'emportaient loin des combats parmi les nuées , survolant des champs de blés ondoyants, reprenant son envol vers les cîmes pour aller tutoyer du bout des doigts la surface d'un lac de montagne avant de glisser tel un faucon le long des coteaux striés de vignes...
Il se posa un instant sur l'un des fils d'acier supportant ces plantes aux grappes abondantes afin d'y déguster un grain gorgé de sucre aux reflets dorés par le soleil si chaud en cette arrière saison...
Mais alors que le grain aurait dû éclater entre sa langue et son palais, celui-ci se déversa en un flot ininterrompu, comme surgit d'une corne d'abondance, fluant et refluant sans discontinuer jusqu'à le noyer! Se débattant tel un pauvre diable pour rejoindre une surface illusoire, Thuranor entrevit enfin la lumière éblouissante du jour...Il venait de se réveiller et d'émerger au propre comme au figuré de ce rêve étrange et vinasseux.
Car c'est dans une flaque de vin qu'il pataugeait gaiment, haubert et chausses détrempées, chevelure et barbe colées...
Par quel prodige ceci fut-il possible! Se pourrait-ils que les valar?...nan...oublions ça...
Secouant ses guenilles et s'ébrouant, le piteux capitaine fit le tour du manoir afin de rallier sa chambre et d'y prendre un bain, constatant que l'herbe devant lui avait été foulée par des pieds légers dans les deux directions opposées, les pas tracés de l'aller semblant plus profonds qu'au retour, il continua son chemin, à présent parsemé de seaux vides dégoulinants de vin...
Le mystère se dissipait mètre après mètre...
Il trouva près des seaux vides un autre récipient mais celui-ci rempli de lait cette fois-ci. Il le ramassa, perplexe, et continua sa route.
Il poussa les lourdes portes du manoir et tomba nez à nez avec Eldrahir une choppe à la main et le visage décomposé.
Les deux hommes du Sud se toisèrent. Sentant tout deux le mauvais vin ( mais sans doute pour des raisons différentes) , ils étudièrent la choppe et le sceau de lait, une flamme grandissante naquit dans leurs yeux d'acier alors que depuis les cuisines la voix riante et chantante d'une elfe se faisait entendre...
D'une seule voix ils s'écrièrent:
"NEYGE CA VA ETRE TA FETE!!!"
PS: joyeux anniversaire Eldrahir