L’elfe regagna son bureau et s’y assit. Elle posa ses mains à plat sur la table de travail et demeura silencieuse quelques minutes. Le moins que l’on puisse dire c’est que cette jeune capitaine était dynamique. Elle l’avait littéralement harcelé de questions. Et pourquoi si et qu’est ce que cela… Melwaen se sentait vidée. Gentiment, patiemment, elle avait tâché de répondre à sa curiosité. La demoiselle avait même eu quelques interrogations au sujet de sa vie personnelle. Cela ne l’avait pas mis mal à l’aise, cela avait seulement éveillé chez elle de la surprise. Elle avait raconté un peu de sa vie, les grandes lignes seulement. Elle comprenait que Léandra veuille savoir dans quoi elle s’engageait mais elle trouvait tout de même qu’elle poussait un peu loin l’interrogatoire. Elle avait dû s’en rendre compte car elle n’avait pas plus insisté. Elle l’avait remercié avant de prendre congé. Cette petite était tout de même froide et même un peu trop rigoureuse pour une jeune femme de son âge. Elle avait posé beaucoup de questions à la guide des Ombres mais avait éludé beaucoup des siennes. Oui, Melwaen était perplexe, sur ses motivations un peu aussi. D’autant que certains membres semblaient avoir un peu de mal avec le caractère fort de la capitaine. Il fallait qu’elle veille à ce que la situation ne s’envenime pas.
L’elda regarda par la fenêtre de la grande maison. L’automne était là, les arbres se paraient de couleurs chatoyantes, des jaunes, des roux, des ocres. C’était somptueux. De nombreuses feuilles jonchaient l’herbe. Il faudrait qu’elle mette les Ombres au travail pour l’aider à les ramasser. Les connaissant, ce serait sans doute amusant. Un doux sourire se dessina sur ses lèvres. Ses pensées venaient de dériver vers le souvenir d’un autre paysage où des flocons volaient dans l’air froid. Elle revoyait ce sol d’un blanc immaculé où vous vous enfonciez dans la neige si fraîche qu’elle vous arrivait jusqu’aux chevilles. Elle pouvait presque sentir la caresse humide de la neige sur son visage mais ce n’était pas cela qui faisait battre son cœur un peu plus vite. Elle laissa son esprit flotter quelques instants au pays des souvenirs, la mettant dans un état étrange qu’elle n’avait découvert que depuis quelques jours. Soudain, un long soupir s’échappa d’entre ses lèvres. Mais qu’avait elle donc à être si rêveuse ces temps-ci ? Il fallait à tout pris qu’elle se reprenne.
D’abord il y avait eu cet agacement qu’elle éprouvait à la vue de tous ces couples. Ils la poursuivaient partout où elle se rendait. Ca avait commencé à Bree, elle ne pouvait faire un pas sans croiser une jeune demoiselle pendue au bras d’un galant. Et que ça roucoulait dans tous les sens à se papouiller et à se couvrir de mots doux. Pourquoi est ce que cela l’horripilait à un tel point ? Et puis ça continuait dans la campagne, au bord de l’eau et jusque dans son voisinage de la Comté. Il y avait de l’amour partout dans chaque sourire, dans chaque regard. Ca dégoulinait. Les Ombres aussi étaient contaminées, on allait deux par deux. Elle demeurait seule. Elle écoutait ces jeunes filles en fleurs qui racontaient le bonheur qu’elles éprouvaient avec leurs Jules. Bien sûr elle était contente pour elles, elle aimait les voir si joyeux, comblés d’un bonheur qui a elle était interdit. Oui, voilà bien ce qui la chagrinait, elle n’avait pour compagne que sa propre solitude. Chaque soir ce n’était qu’une maison vide qui l’attendait et cela lui pesait de plus en plus ces temps derniers. Et voilà que maintenant… Maintenant… De petits flocons gais et doux tombaient sur son cœur, l’ensevelissant de plus en plus au point que bientôt il serait pris tout entier. Mais par les Valar qu’il était bon de se sentir ainsi vivante. Et même si, elle le pensait, jamais elle ne connaîtrait les joies d’un amour partagé, elle ne parvenait pas à se raisonner et encore moins en sa présence.