Ce soir-là, Daemoth et dame Atanys eurent une longue conversation au coin du feu, dans la grand'salle de la Confrérie. Au début Daemoth ne s'adressait qu'à elle, en phrases courtes et presque murmurantes. Mais la nuit avançait, le temps des contes vint, il y eut de la musique, des chansons, et maints récits. Daemoth le Chasseur vous fit celui-ci:
"Mon peuple, les Nandor, affectionnait les eaux sous toutes leurs formes: rivières et torrents impétueux, sources timides, majestueux lacs de montagne, et bien sûr Belegaer, la grande Mer de l'Ouest dont pourtant nous avions refusé l'appel. Car les Nandor, comme les Sindar, n'allèrent jamais en Valinor et sont donc des Avari, des Elfes de la Nuit. Plus que tout autre, mon peuple avait acquis un grand savoir sur les bêtes sauvages et les oiseaux, mais comme eux il était timide, farouche au combat mais facile à impressionner. Les horreurs de la Bataille sous les Etoiles et la mort de notre roi Denethor le terrifia, et les Nandor partirent vers les forêts du sud, préférant les embuscades et les flèches empoisonnées aux glorieux combats à découvert. Et ils chassaient les ouargues, les orques et les araignées, mais aussi les Nains, les Hommes et même les Elfes étrangers qui pénétraient sur leurs terres."
Daemoth fait une pause, contemplant les flammes du foyer. Vous commencez à le connaître, c'est le signe que son esprit est reparti des milliers d'années en arrière.
"Mon père laissait trois enfants derrière lui: moi, mon frère Daegil et ma jeune soeur Lywën, perdue dans les chagrins de cet âge. Mais lorsque les Nandor s'enfuirent dans le Sud, ma mère Vairë choisit de rester parmis les Sindar de Doriath, auxquels appartenait sa famille, et suivant son exemple beaucoup de Nandor restèrent fidèles à leur suzerain Thingol. Ils se mêlèrent aux Elfes Gris et ne formèrent plus qu'un seul peuple."
Daemoth vous observe, soudain de retour dans le présent. Il vous verse une coupe de Mirùvor, et rallume sa pipe qui s'était éteinte. Les arômes veloutés de l'Herbe de la Comté s'élèvent en minces volutes, donnant à l'Elfe une curieuse allure de vieux magicien.
"Pardonnez-moi. Voici que je cite à plusieurs reprises le nom des Elfes Gris, et peut-être ignorez-vous qui ils sont, ou étaient, car nous sommes bien peu à présent."
Il tire une longue bouffée sur sa pipe, vous laissant le temps de répondre.
"Sur nous, retenez juste ce nom: Lùthien. Car oui, nous avons eu l'honneur et l'immense joie de faire écrin à sa jeune beauté, lorsqu'elle naquit du roi Thingol et de Melian la Belle, au royaume perdu de Doriath, il y a bien longtemps. Moi-même qui vous parle, je la vis une unique fois, à l'époque où ma mère m'envoya pour mon instruction dans les Mille Cavernes..."