Ton histoire contre mon histoire - Troc:)

Comme à son habitude les rares fois où il passe dans le salon de la Confrérie, Daemoth s'est assis dans les ombres dansantes non loin de la cheminée. Il est probablement le seul Elfe des Terres du Milieu à s'essayer quelque peu à l'herbe à pipe, une habitude acquise auprès des Rôdeurs d'Evendim.
"Salut à toi, Ombre-amie. Viens t'asseoir, et partage un peu de ces fruits ou de cette herbe des Petites-Gens. Raconte-moi tes voyages."
Daemoth, si il reste un Chasseur assez gauche en société, apprécie les bonnes histoires et les récits de terres lointaines. Vous pouvez lui parler des périls endurés, des amis rencontrés ou perdus, et si en plus vous rapportez des bribes d'une vieille chanson, il vous écoutera des heures durant.
Après une énième et longue bouffée sur l'étrange fourneau grésillant qu'il porte continuellement à sa bouche, il prend à son tour la parole.
"Les Ombres ne se connaissent pas toutes, et certaines sont trop secrètes pour révéler leur histoire. Je te remercie de tout ce que tu m'as appris. Et si on te demande si tu connais le pays d'où est venu Daemoth, il se peut que le nom de Lothlorien te vienne à l'esprit, car j'ai l'allure générale des gens du Seigneur Celeborn et de Dame Galadriel. Pourtant, mes yeux se sont ouverts il y a bien longtemps et en un autre lieu, parmi ces Elfes oubliés que l'on nomme les Nandor. Mais c'est une longue histoire..."
Daemoth reprend ses habitudes mystérieuses, et vous comprenez qu'il faudra lui en dire plus sur vous avant qu'il ne vous en révèle davantage à son tour...

Car telle est la loi de la confiance et du partage:

Parlez, Ami(e), et entrez !...

D.

C'est un heureux hasard qu'Atanys se trouve ici.
En effet, même si elle sait qu'elle peut se sentir chez elle en ces lieux, l'Elfe ne supporte jamais trop longtemps de se retrouver dans un lieu trop fréquenté, ou coupée de cette nature qu'elle aime tant. Lorsqu'elle tomba nez à nez avec ce certain Daemoth, le maître du savoir s'interrogea quelque peu sur les raisons de sa présence. Mais après tout, il n'y avait peut être là aucun but recherché. Et si il ne faisait que se reposer ? La méfiance aurait voulu qu'Atanys y voit autre chose, mais elle commençait à avoir une confiance énorme en les ombres. Il ne fallait pas le voir d'un mauvais oeil, si Atanys n'avait pas eu confiance immédiatement, ce n'était pas par méchanceté. Par les temps qui courent, il est dur de se fier à ce que l'on voit. Même si les membres de cette confrérie semblaient tous aimables, il fallait qu'elle s'en assure avant de pouvoir se détendre enfin. Mais c'était fait, la première étape était passée et à présent l'Elfe se sentait en harmonie avec ces gens ...

-Nandor n'est ce pas ? Intéressant.

Et c'était là une parfaite entrée en matière.
Visiblement cet étrange personnage qu'était le chasseur devant elle cherchait à connaître les histoires de chacun(e)s. Histoire n'étant pas synonyme de secret, la sage Atanys ne voyait aucune raison de se contenir. Et puis, c'était si délicat de sa part. Ils avaient déjà eu l'occasion de parler, lors d'une soirée fort sympathique suite à un pique nique. Melwaen la Grande les avait accompagnés avec joie. La discussion dura un certain temps, mais trop peu pour Atanys. Ainsi elle fut ravie de pouvoir reprendre.

-Je me nomme Atanys Silver, mais mon véritable nom n'est pas celui par lequel vous m'appelez maintenant. On pourrait se fier à des préjugés à mon égard aussi. Mes longs cheveux bruns vous laisseront peut être penser que je viens de Fancombre, mais je suis de Lothlorien. En fait, il fut une époque où j'étais parfaitement blonde, ou tous mes traits semblaient plus purs encore qu'ils ne le sont devenus. Comme je vous comprends, Daemoth. Jugé par les apparences, pensez vous vraiment que nous le sommes ? Sur quelle apparence peut-on alors me calculer ? Il m'est arrivé jadis un malheur qui m'a menée peu à peu à ce que je suis aujourd'hui. Ma mère s'est faite cruellement assassinée, à la lisière des bois qui demeurent ma maison.

Elle en avait dit assez pour le moment, et selon elle, c'était même déjà beaucoup trop.

HJ : J'ai répondu par envie, j'espère que je suis pas à côté de la plaque et que j'avais le droit

Le regard de l'Elfe Gris reste inchangé. Vous êtes du même peuple, cependant, quoique d'une parenté lointaine; aussi son attitude trahit-elle à vos yeux une profonde compassion. Des questions devraient suivre. Vous n'en voulez aucune, juste l'écoute: Daemoth l'a compris et pourrait attendre que vous soyez prête...
"...Mais vous avez mérité vous aussi des confidences, Atanys. Pour le moment je ne suis qu'une Ombre pour vous, et de même je ne peux lire clairement en vous. Pas encore."
Il remplit deux coupes d'un liquide clair à l'arôme de pomme et de noix sauvage.
"...Beaucoup d'histoires commencent dans le deuil, et pourtant chacune est unique, comme tous nos chagrins. Ai-je le droit de dire que je vous comprends, parceque j'en ai connu un aussi ? Car mes premiers souvenirs sont ceux de la mort de notre Seigneur, lors de la Bataille sous les Etoiles."
Il vous tend la coupe. De toute évidence, c'est votre tour de parler.

Pas de chance. Votre allusion aux effets de l'alcool a eu lieu précisément comme Daemoth portait sa propre coupe à ses lèvres, sans doute afin de vous confirmer qu'elle ne recélait nul danger immédiat. En la reposant, il a murmuré:
"Eh bien, je vais avoir droit à une belle histoire en ce cas. Un Humain s'évanouirait rien qu'en humant ce Mirùvor."
L'humour dans sa voix calme ne vous a pas échappé. Mais bien entendu, il a exagéré: ce délicieux cordial est plus inoffensif qu'un verre de cidre.
"Ne craignez donc pas de mettre votre âme à nu: vous ne direz que ce que vous désirez me dire."
Daemoth vous a regardé ôté vos effets sans réagir. Ne doutez point de vos charmes, cependant: comme vous commencez à le connaître, vous percevez un reflet dans son regard, une émotion vive, une présence. Son coeur est déjà pris.
"...Et je suis déjà moins une Ombre à vos yeux. Vous lisez en moi. Nous pouvons partager la Lumière, si vous le souhaitez encore. Est-ce le cas ?"
Il a posé sa coupe, à demi vide, et son regard à la fois gris et vert ne vous a pas quitté. Un sourire joue sur ses lèvres: une partie de vos pensées, de vos intentions mêmes, ne lui a pas échappé...
"...Et j'aimerais beaucoup connaître le mystère de votre chevelure."

Même un Chasseur Elfe expérimenté ne peut retenir le contenu d'un gobelet vidé prestement dans une cheminée. Daemoth se résigne donc à voir disparaître ainsi un verre d'une excellente boisson.
"Cependant je vous en proposerais encore, Ellana, car il est délicieux. Et même si le Mirùvor de Fondcombe est deséspérément précieux, je crois qu'amitié rime avec générosité."
Une façon comme une autre de retarder ses propres aveux... Le Chasseur étend encore davantage ses jambes vers la cheminée, comme si le récit qu'il s'apprêtait à faire le glaçait par avance. Ses yeux se perdent dans les flammes, et quand sa voix s'élève de nouveau elle semble provenir d'un âge perdu.
"Mon père se nommait Daewë. C'était un grand Archer du peuple disparu des Nandor, les Elfes Verts. Il partit à la guerre contre les armées de Morgoth, en un temps où le Soleil n'était pas encore venu, et où fut livrée la Bataille sous les Etoiles...'
(vous trouverez cette histoire dans la partie "récit" du forum, elle s'intitule:'La Chute de Denethor, dernier roi des Nandor' voici le lien https://sentinelles-de-fondc.superforum.fr/daemoth-f45/la-chute-de-denethor-dernier-roi-des-nandor-t400.htm).

(Je vous encourage également à visiter ce lien pour en savoir plus sur mon histoire : Ici )

-Non, s'il vous plait. Ellana n'a plus d'intérêt pour moi, ça n'a plus aucune signification. Je ne vous demande pas nécesseraiment de cesser de m'appeler ainsi si vous y tenez, mais sachez que je crois pour ma part que cette personne est morte ce fameux soir, en même temps que la couleur de mes cheveux et de ma perte de mémoire.

Puis Atanys s'enfonça dans un siège à son tour.
Il n'était pas exclu qu'elle est prochainement besoin de s'asseoir elle aussi. Elle était désolée pour le verre, loin d'elle l'envie de faire du mal à son nouvel ami en jetant ainsi sa boisson au feu. Un peu rouge au niveau des joues, la douce se dit qu'il serait surement sage de ne plus rien dire pour le moment et d'écouter son interlocuteur. Une fois qu'il commença à compter son histoire, elle l'écouta attentivement, buvant chacune de ses paroles comme si les valar parlez pour lui.

-En voilà un bout fort troublant. Pourquoi vous arrêter en si bon chemin ? Vous attendez peut être que je vous en dise encore un peu plus ? Très bien, mais alors vous continuez à ma suite. Nous parlons d'échange je crois.

L'elfe prit alors une grande et forte inspiration.

-Si j'ai tellement peur de vous raconter ce dont je me souviens ensuite, c'est pour une bonne raison. Voyez vous, j'ai oublié ce fameux soir où tous mes compagnons sont morts, mais il arrive, par hasard, que j'ai certains flashs ... Des flashs dans lesquels je vois mes amis tomber, un à un. Et je n'en suis pas sure, mais il m'arrive parfois de penser que c'est moi qui aie fait tout ça ...

Les yeux de la belle se mirent alors à luire d'une drôle de lueur. Un éclair d'inquiétude, de crainte, de peine et de peur. Et si Daemoth la prenait alors pour une meurtrière. Si il venait à douter, Atanys ne croyait plus assez en elle pour affirmer qu'elle ne l'avait pas fait. Pourquoi s'en souviendrait-elle si ce n'était pas de son propre fait ?

-Vous détenez à présent le plus lourd de tous mes secrets. Il n'y a rien d'autre que je puisse vous dire. Pensez vous que je suis une meurtrière ? J'enquête sans relache dans l'espoir de rétablir la vérité, une vérité où je serais innocente mais le tourment de mon âme est tel, et je m'assombris à chaque fois que j'utilise un sort. Il arrive même que je perde pied. Il n'y a que Leilla qui m'a vu en crise. Comment puis-je faire pour rétablir mon identité, pour reprendre mes souvenirs en main ... ?

Vous avez vu les yeux de Daemoth s'agrandir, juste un instant, lorsque vous avez évoqué l'horrible hypothèse. Puis la perplexité a remplacé l'alarme. Il vous croit, car telle est sa nature.
"Le véritable ami peut être en désaccord, quand il en va du salut de l'être qu'il affectionne. J'ignore si vous me considérez ainsi, mais vous êtes mon amie, pour ma part, car vous m'avez parlé sans détour."
Moins par orgueil que pour divertir son interlocutrice, le Chasseur tire sur sa pipe, puis envoie un navire de fumée disparaître vers le plafond. Lui-même n'a guère l'air amusé.
"...Je pourrais me permettre de vous conseiller, comme un ami qui cherche à apporter son aide. Je préférerais vous comprendre, comme celui qui veut réconforter. "
Il fait une pause, car c'est un Elfe fort âgé qui vous parle. Et les anciens, même les Elfes, aiment ménager leurs effets.
"Voici ce que je crois. Je pense que vous en seriez capable, qu'il y aurait assez de force en vous pour avoir accompli un tel acte. Votre pouvoir en est à ses balbutiements, mais il deviendra redoutable: mon coeur me le dit. Et vous avez assez de violence en vous pour tuer de sang-froid, cela, je le lis en vous, quoique la véritable cause m'en soit cachée."
Daemoth n'aime pas parler longtemps. Il fait un effort par respect pour votre jeunesse:
"Et pourtant je ne crois pas que vous soyez responsable d'un forfait de ce genre. Ceux qui servent l'Ennemi goûtent le sang qu'ils versent, mais ils ne s'en vantent guère car ils ont le coeur lâche; seuls les êtres purs, ou ceux que les Ténèbres ont abusé, manifestent courage et sincérité, comme vous essayez de le faire. J'ai vu bien des Humains, et même des Elfes d'antan, devenir ainsi les jouets des forces du Mal; et ils ont connu de grandes souffrances, car beaucoup avaient le coeur bon."

Cette dernière phrase résonne comme une question à vos oreilles.

"...Mais vous vouliez encore en apprendre sur moi, je crois ? Alors voici quelques fragments de ma triste histoire."

(...la suite sera postée dans les récits demain, car ce soir j'ai hâte de jouer. De même, je prendrai dès demain le temps de lire votre histoire détaillée, dont vous m'avez gentiment indiqué le lien)

"Mon peuple, les Nandor, affectionnait les eaux sous toutes leurs formes: rivières et torrents impétueux, sources timides, majestueux lacs de montagne, et bien sûr Belegaer, la grande Mer de l'Ouest dont pourtant nous avions refusé l'appel. Car les Nandor, comme les Sindar, n'allèrent jamais en Valinor et sont donc des Avari, des Elfes de la Nuit. Plus que tout autre, mon peuple avait acquis un grand savoir sur les bêtes sauvages et les oiseaux, mais comme eux il était timide, farouche au combat mais facile à impressionner. Les horreurs de la Bataille sous les Etoiles et la mort de notre roi Denethor le terrifia, et les Nandor partirent vers les forêts du sud, préférant les embuscades et les flèches empoisonnées aux glorieux combats à découvert. Et ils chassaient les ouargues, les orques et les araignées, mais aussi les Nains, les Hommes et même les Elfes étrangers qui pénétraient sur leurs terres."
Daemoth fait une pause, contemplant les flammes du foyer. Vous commencez à le connaître, c'est le signe que son esprit est reparti des milliers d'années en arrière.
"Mon père laissait trois enfants derrière lui: moi, mon frère Daegil et ma jeune soeur Lywën, perdue dans les chagrins de cet âge. Mais lorsque les Nandor s'enfuirent dans le Sud, ma mère Vairë choisit de rester parmis les Sindar de Doriath, auxquels appartenait sa famille, et suivant son exemple beaucoup de Nandor restèrent fidèles à leur suzerain Thingol. Ils se mêlèrent aux Elfes Gris et ne formèrent plus qu'un seul peuple."
Daemoth vous observe, soudain de retour dans le présent. Il vous verse une coupe de Mirùvor, et rallume sa pipe qui s'était éteinte. Les arômes veloutés de l'Herbe de la Comté s'élèvent en minces volutes, donnant à l'Elfe une curieuse allure de vieux magicien.
"Pardonnez-moi. Voici que je cite à plusieurs reprises le nom des Elfes Gris, et peut-être ignorez-vous qui ils sont, ou étaient, car nous sommes bien peu à présent."
Il tire une longue bouffée sur sa pipe, vous laissant le temps de répondre.
"Sur nous, retenez juste ce nom: Lùthien. Car oui, nous avons eu l'honneur et l'immense joie de faire écrin à sa jeune beauté, lorsqu'elle naquit du roi Thingol et de Melian la Belle, au royaume perdu de Doriath, il y a bien longtemps. Moi-même qui vous parle, je la vis une unique fois, à l'époque où ma mère m'envoya pour mon instruction dans les Mille Cavernes..."

(Parler d'une femme à une autre est parfois considéré comme impoli. Si vous voulez entendre mon récit sur dame Lùthien, voici le lien: https://sentinelles-de-fondc.superforum.fr/daemoth-f45/sur-luthien-et-les-elfes-gris-t403.htm).

Daemoth écoute patiemment, hochant parfois la tête autant aux paroles de la jeune Dame elfique qu'à ses propres réflexions, semble t-il. Aux mots de 'Prison', 'Force', et 'Peur', une émotion visible a traversé son regard.
Des yeux verts et gris, brûlant du feu des Elfes qui doit les consummer à la fin, après mille fois mille ans, dans les Terres Mortelles. Vous êtes une Elfe, l'apparence extérieure ne saurait vous tromper. Vous réalisez que ce Chasseur est âgé, très ancien, même pour un Elfe.
"Vous m'avez demandé si je m'étais déjà senti emprisonné, impuissant devant mes propres actes, comme vous-même l'avez décrit. Je vous répondrai: oui, à deux reprises déjà au cours de ma longue vie. Et mon coeur m'avertit qu'il y aura une troisième fois, la dernière, avant ma fin."
Il aime tant s'interrompre, comme pour mesurer l'effet de ses mots sur votre jeune esprit. Mais il ne cherche pas à lire votre coeur, se contentant de vos réponses et des lueurs changeantes de vos yeux.
"...Et quant à dame Melian, reine des Mille Cavernes, je sais seulement qu'elle était davantage esprit que chair, une Ange dans le langage des Hommes, qui par amour pour un roi Elfe revêtit un corps de son peuple. Leur fille, Lùthien, était une étoile. Dame Melian était le feu source de toute étoile."
A nouveau, les braises. A nouveau, les souvenirs.
"La forêt de Doriath était leur royaume, et par le pouvoir de la reine Melian nul mal ne pouvait en franchir les frontières. Oui, peut-être songez-vous à Lothlorien et à dame Galadriel. Elle vint jadis en Doriath et apprit beaucoup de la reine Melian.
...Cela ne suffit pas pour le roi Thingol. Sur sa demande, des artisans Nains lui construisirent un palais souterrain, à la façon de leur peuple, car le roi était riche et avait su gagner leur amitié. Des centaines de salles, des fontaines et des sources, des colonnes de pierre naturelle ou qui semblaient l'être, le feu emprisonné dans des lampes magiques, éclairant sans faiblir de hautes pièces majestueuses...On disait que ces cavernes comptaient plus d'un millier de salles aménagées ainsi: d'où le nom, Menegroth (les Mille Cavernes), qui lui fut donné.
Mais cela n'était pas encore du goût des Elfes. Et Melian la reine et ses Dames tissèrent maintes toiles et tapisseries somptueuses, où se lisait l'histoire du monde depuis son commencement, et aussi les signes de ce qui adviendrait ensuite. Car Melian avait le Don, et elle voyait l'avenir...Je me souviens d'une, très sombre, où luisait une montagne de feu: des Aigles combattaient des ombres dans le ciel. Peut-être une scène de la fin des Temps.
...Les piliers de pierre, nos artisans les façonnèrent en arbres, y disposant des fleurs et des oiseaux magiques chantant continuellement. Le roc vivant, taillé en forme de buissons et de haies, scintillait des gemmes de la terre disposés comme des fruits. Il y avait la joie, il y avait les chants; et des pièces antiques, où le savoir était gravé sur la pierre et dans des livres blancs à l'encre d'or. Et de tous les joyaux, la paix n'était pas le moins grand."
Daemoth revient au présent. Vous savez, comme tous les Elfes, que le royaume de Doriath périt au Premier Age du Monde; le Second dura 3000 ans, et le Troisième approche à son tour de la même durée. Et voilà qui répond à la question de l'âge.

Valentinia entra dans la maison des Ombres comme elle le faisait partout où elle entrait: discrètement, sans bruit, sans une parole, le regard brillant et malicieux, Ombre parmi les Ombres, ombre tapie dans l'ombre.

Elle entendit les voix. Deux. Elle connaissait l'une d'elle; la jeune Atanys était maintenant une famillière pour elle. La seconde, elle l'avait entendue une fois, une seule. A Ost Guruth.... Et ce jour là, cette voix accompagnait la voix de Dame Melwaen. Malgré sa prudence naturelle, elle décida qu'elle pouvait faire confiance à ce nouveau venu, bien qu'il fut un Mâle: Dame Melwaen semblait lui avoir accordé la sienne, et elle respectait profondément Dame Melwaen.

Les deux Eldar parlaient, échangeaient des histoires, des bribes de vécu, l'un semblant échanger ses informations à l'autre, qui faisait de même. Elle sourit. Elle connaissait bien, très bien ce peuple que beaucoup d'Humains considéraient comme mystérieux. Elle était Maitre du Savoir. Et un Maitre du Savoir qui ne sait pas ne mérite pas ce titre. Et puis elle le fréquentait depuis un long moment déjà... Llestael, Andewen, Dame Melwaen Neyge, Amarthaina, Adeanor, Meleneth... et.... Elle ferma les yeux, n'osant prononcer, même en pensées, ce nom qui lui était si cher, de peur que l'émotion ne trahisse sa présence.

Valentinia décida de ne se pas montrer encore. Elle voulait écouter. Son caractère curieux, malicieux, sa réserve naturelle, sa discrétion sur elle, son histoire, et son passés faisaient qu'elle ne jugeait pas encore utile de se dévoiler.

"Je crois ne pas avoir beaucoup parlé des Humains dans ces contes qui forment mon histoire."
Si vous lui faisiez face, vous le verriez soudain devenir grave.
"En Doriath, nous avions vécu hors du monde. Autour de nous naissaient le Soleil et la Lune, les Noldor revinrent et affrontèrent Morgoth, sans que nous prenions garde, excepté pour une seule: Dame Melian la Maïa. Elle seule nous parlait du Destin qui un jour l'emporterait même sur son pouvoir. Mais nous étions heureux, bien protégé dans nos jardins de pierre; la forêt était notre bouclier, et nul mal ne venait nous troubler. Et puis survint l'Humain."
Parfois, le Chasseur chante, de façon surprenante: pour dire sa colère, sa peine, son amour ou simplement parceque le vent veut souffler et que lui veut chanter. Ce moment pourrait lui convenir, vous commencez à en avoir l'habitude, aussi êtes-vous surpris de le voir prestement s'emparer de son luth, et jouer sans chanter un flot de notes légères.
Qui peut décrire le matin, le parfum de la nuit, la couleur du sommeil ou les chansons du vent ? Ainsi, les mots ne peuvent dire cette musique. A vos oreilles, elle a des accents de tristesse, de beauté fauchée trop tôt, de ténèbres aussi, à la fois force et fragilité. Elle ressemble à des pétales de rose et murmure l'épine, elle promet la souffrance et elle se fait tendresse. Et enfin elle s'achève, alors même qu'elle semblait prendre en force.
"Je vous ai joué un morceau qu'en son temps, le Seigneur Felagund Ami des Hommes a nommé 'Atani', les Seconds. Il est dédié aux Humains, successeurs des Elfes en ces Terres que nous quitterons bientôt."
Le luth regagne sa place de chien fidèle, aux pieds du Chasseur. Celui-ci contemple pensivement ses mains.
"Je ne l'avais pas joué depuis la mort de Lùthien. Quand elle quitta finalement ce monde, partageant la destinée de l'Humain Beren, beaucoup des nôtres jouèrent ce morceau, car enfin nous comprenions un peu mieux les rêves et les douleurs et le Destin des Hommes, à présent qu'une des nôtres allait le partager. Notre amour pour les Humains est le dernier présent que nous ait fait Lùthien Tinùviel, plus Belle que ne peuvent le dire les Mortels."
Vous pouvez demeurer dans l'ombre et écouter, chère amie, mais si vous connaissez vraiment les Elfes (et les Chasseurs), vous ne nourrissez aucune illusion sur vos chances d'échapper à leur sens aiguisés.

Une lueur passa dans le regard de Valentinia. Un reflet. Une larme. L'Elda avait joué du Luth. Elle connaissait ce morceau. Elle connaissait son histoire, sa signification. On l'avait aussi joué pour elle.

Elle n'avait pas besoin des mots du Chasseur pour le comprendre. Quand il posa son instrument, délicatement, elle prit le sien. Sans sortir de l'ombre où elle voulait rester dissimulée, elle reprit le morceau, laissant ses doigts fins aller sur les cordes, apportant à la mélodie les nuances que lui dictait son coeur.

"CCce MmorcEAu EsT CeluII d'UnE AmEe quI dOOnNE saNS CompTEr"

Sa voix, malgré le défaut évident de prononciation, était ferme, assurée, douce, chantante, nymbée d'une tristesse à glacer les sangs.

"Cce MorCceaU esT CeluI d'UN amOUR qui A TouT DonNé."

La musique se tut. Valentinia baissa la tête, restant quelques instants immobile, puis pris une profonde inspiration.

"Ce MorcEau m'a éTé JouUUé."

Le silence.

Toujours dans l'ombre, Valentinia sentit monter en elle une vague de souvenirs, remontant de temps lui semblant si anciens, si doux, si riants, et qui, elle en était sûre, sembleraient si proches et si ténus aux deux Eldar.

"Ce MmmoRCeaU m'aA NoMmé :VaLlée de Mmes RêVes"

La phrase mourut dans un soupir.
Elle releva la tête, fixant les deux Ombres présentes, tour à tour.

Lorsque l'Humaine eut achevé son chant, Daemoth laissa s'écouler un temps. Trop court, il eut insulté la chanson, comme un rire stupide au terme d'un conte ancien. Trop long, l'Humaine l'aurait trouvé embarrassant. Le regard vert et gris, voilé par la fumée légère de l'Herbe à pipe, allait tout doucement des yeux de l'Humaine à son instrument, puis revenait à elle, question autant que réflexion.
"Soyez la bienvenue, dame Valentinia. Et merci pour cette réponse sincère et courageuse."
Puis, à la manière des Elfes, il se lève pour accueillir celle qui n'est plus une étrangère, lui désignant un siège. A la fois lent et souple, il remplit une coupe d'un liquide clair aux arômes fruités, qu'il tend à la nouvelle venue.
Le Chasseur semble soudain perplexe devant l'agitation de dame Atanys. Il murmure, peut-être pour lui-même:
"Temps de repos elfique, ne plus rien voir pour voir en soi. Nulle crainte, nulle peine. Retrouve en toi les premières eaux profondes. Qu'elles t'apaisent et te bercent comme les bras d'une mère..."
Et il répète plusieurs fois les mêmes phrases, en variant légèrement le ton, comme on murmure une chanson à un enfant la nuit, pour dissiper ses peurs. C'est peut-être la fumée, ou bien le vin elfique, mais ces paroles résonnent comme un chant hypnotique dans votre esprit, vous plongeant dans une sorte de torpeur. Si vous aimez le vent, vous flottez comme un rêve; si vous aimez les eaux, elles vous jouent leur musique. Par-dessus tout, c'est à l'être sauvage qui dort au fond de nous que les paroles s'adressent, pour le rassurer et lui dire qu'il n'est pas oublié.
Un temps s'achève, on entend seulement crépiter le feu. Daemoth s'est assis et a rallumé sa pipe. Le Chasseur s'adresse de nouveau à dame Valentinia:
"Lad-më-Lorien, tel serait votre nom dans mon langage, le nom que l'on vous a donné dans cette chanson. Je devine que votre affliction fut cependant mêlée à une grande joie, car votre voix étrange en conserve les accents."
Il ne commente pas votre défaut de prononciation: les Elfes ne souffrent pas de ces maux, et ils les guériraient si tel était le cas. Il a compris que certaines fleurs aimaient à se dissimuler sous des aspects sauvages ou bien inattendus.
"Un temps pour écouter, et un temps pour parler. De votre histoire, vous pouvez nous dire ce qui vous plaira. Mais banissez de vous tout sentiment de crainte ou culpabilité: nous sommes ici pour comprendre et soutenir.
Au-dehors, les ombres se sont faites bleues et mauves: l'Aube approche.
"Mon peuple dit que le Soleil annonce le temps des Hommes. Votre temps, dame Valentinia, si vous le désirez."

"J'Aii poOur nom ValenNtiniAa; pouRr VOus et pour quiICconque d'autrReE que MelaMMmine"

Un temps. Toujours dans l'ombre, la silhouette gracile de Valentinia semblait se dresser fièrement. Elle posa son regard sur l'Elda, presque réprobateur. La silhouette glissa lentement à la lumière, les cheveux blancs brillant.

"VoUUS me SembLLez BieNNN PrésoMPtueux, maLgrEE VotRE Age. BIEN MAladRoit AUssI. VouS ME parLez de JOie, saNS RieN COnnaiTre de Moi. VOus PArLEz d'ACcenT SanS SavoirrR Les FOudreS Que voussS EncourRez. VouS PArlEz d'UN TemPS a VEniR saNS SavoiR Si jE SouHhaite son aVèneMeNT."

Un temps encore. Valentinia tourna un visage plein de douceur vers Atanys, et lui murmura bas, à l'oreille, dans un Sindarin parfait:

"Un déMMonN BieNN GénaNNT Dont VOus POurREz me PArleR, moNN AMieE"

Un autre temps. Lentement, elle tourna à nouveau son regard vers Daemoth.

"De Mon HIstOIre il Y a peU A sAVoiR. Il fuT Un temPS Ou je la raCOntaisS AInsi: un BEl ElfE Vintt la sauVER. Et ellE DécouVriT L'aAAAmouR. MainteNNAnt je RajouUTE: eT L'inQUiétUDE, la PEuR eT LEss reGreTS d'UNn teMPss HheureuxX."

La jeune femme marqua encore un temps. Prit une grande inspiration.

"J'Aii poOur nom ValenNtiniAa; pouRr VOus et pour quiICconque d'autrReE que MelaMMmine. J'AAi poUR NoM VaLenTIIniaA, bIenN Que fUs coNNu eT AiméE SouuS UnN auTRe nOM, en d'AUtreS TEmpS, en d'AutrES LieuxX."

Elle sourit.

La jeune Magicienne était amusante. Elle n'avait pas tout à fait tort:Valentinia avait été un peu rude avec le Chasseur. Mais tout comme lui, Atanys était une jeune Ombre, et elle en savait peu sur l'Humaine. Bien peu d'Ombres connaissaient bien l'Humaine. La plus part en savait ce qu'elle avait bien voulu leur en dire: rien. Rares étaient celles à qui elle s'était confiée. Même Llestael, qui l'avait trouvée, aidée, et invitée chez les Ombres, même son épouse, Andewen, de qui elle était très proche, même leur guide, Dame Melwaen, en qui elle avait une confiance aveugle.... Même les Ombres parties qui avaient été pour elle des guides, des protecteurs et des amis: Amallia, Meleneth, Gharic, même Neyge, qui depuis le début s'était dévouée pour garder un oeil sur la Magicienne capricieuse, et l'avait maintes fois tirée d'un mauvais pas.

Il n'y avait que Melamine qui la connaissait, qui l'avait comprise et à qui elle avait commencé à se confier, lachant des bribes d'histoires, de passé. Les pensées de Valentinia s'assombrissaient. Melethril l'avait comprise, mais....

Elle se ressaisit, sourit.

"IyEE AtaNNys, je VouS EcouTERaiiiS"

Elle jetta un regard à Daemoth, guettant ses réactions. Aucun des deux Eldar présents ne le savait, mais Daemoth avait, aux yeux de Valentinia, un handicap très important.

Vous remarquez bien sûr que Daemoth a été affecté par la rebuffade de Dame Valentinia: elle a cherché à le blesser et a parfaitement réussi. Lorsqu'il répond enfin, son regard brûle autant que sa voix:
"Ils mentent, ceux qui disent que pour être anciens les Elfes ont perdu toute ardeur. Voilà que vous vous dressez fièrement devant moi, puis vous m'insultez: Présomptueux et Maladroit ?"
Quelques secondes il s'interrompt, puis reprend avec la même chaleur:
"Je ne suis qu'un vieux Chasseur, un vagabond: mais rien ne vous permet de me traiter ainsi. Nous, Eldar, avons compris et payé le prix de l'orgueil. Je ne vous enseignerai rien sur ce point, mais cela ne vous donne pas le droit de me frapper quand je vous tends la main. Car c'est en toute amitié que je vous ai accueillie, et d'amitié que je voulais vous parler. Prenez-la ou refusez-la. Mais, par les Valar, MESUREZ VOS PAROLES !"
Les mots résonnent longtemps, repris en échos dans la haute salle. Dehors, les oiseaux qui saluaient le matin neuf se sont tus. L'air est lourd et les regards s'affrontent, et soudain un petit animal pointe son museau à la fenêtre, intrigué par tout ce bruit: une petite renarde étonnée.

Le Chasseur change aussitôt d'expression. Il faut être un Elfe pour comprendre comment la sérénité peut ainsi succéder à la colère, comme un orage mué en brise d'été. Mais puisque vous les connaissez si bien, cela ne vous surprend pas forcément. La voix de Daemoth est redevenue la sienne lorsqu'il reprend avec plus de calme:
"Cela dit, merci pour cette leçon d'humilité, Dame Magicienne. Merci surtout de m'avoir prouvé que je n'étais pas encore assez vieux pour ne plus pouvoir éprouver ni dépit, ni colère."
Son sourire un peu las s'adresse t-il à vous ou à lui-même ?
"...Je dirais pourtant que je n'ai pas complètement échoué à vous comprendre, sans quoi votre réponse aurait été moins vive. Cependant, je m'y suis mal pris, comme vous l'avez dit. Si je vous ai offensée, veuillez me pardonner, ce n'était pas mon but."

De nouveau s'élèvent les trilles joyeuses des oiseaux au dehors, contraste saisissant avec l'expression de tristesse qui voile soudain les traits du Chasseur: le temps passe si vite, mais certaines absences peuvent être si longues...Il se reprend difficilement.
"Vous êtes une énigme, Valentinia, plus encore que dame Atanys et les fantômes qui la hantent. Vous me reprochez d'être ce que je ne puis changer. Pourtant vous ne demandez qu'à exprimer ce que vous portez en vous, ombre ou lumière. Peut-être en effet me suis-je trompé, et le moment viendra plus tard, si il vient."
Un regard pour Atanys, et vous lisez clairement en lui: "les Humains sont-ils si différents de nous, au fond ? Je crois que celle-ci en effet te comprendra mieux que moi, ton ami, même si je puis au moins t'écouter."

Celui qu'il pose sur Valentinia est plus hésitant, et il finit par ajouter les mots au langage du regard:
"Peut-être, devrais-je vous laisser entre Dames, si c'est là ce que vous souhaitez."

Valentinia rit. Elle était amusée. Ce Mâle aurait au moins réussi celà.

"ResSSTez, ChaSSeuuR, ResSTeZZ"

Un temps. Valentinia a toujours pensé que dans une conversation, les silences étaient aussi importants que les paroles.

"Mes PArOleS SOnt auSSI meSuRRées que LEs VOtreES. Et jE VaisS VousS DévoiLLEr quELQue CHosE. UnE ConfIDeNce QUe je ne FAis que PArce QUe vouS êTEs OmbrES, Tous LEss DeuUX. VouS PArlLEz de Ce que JE porTE, OMbre Ouuu LLumièRE. L'uNE N'esT RIen SAnss L'auTRe. Ma LumièEEre ne VauT Que PAr l'OmbBRe que J'abriTTE. Ce quuE VOus APpeLLez "ACceNT" n'ESt qUe l'ACcomPlisSEmENt d'Un chaNGeMEnt de LumIèrE suR Une Vie queEE L'oMBRe avAIt vOUéeeE AU sIIlenCE."

Valentinia fit une pause.

"CeTTe LumiIèreE EsT ARrivée PAR l'Un deS VOtRes, qQUi a SU LirE danS L'oBscurRIté, QuI M'ApPOrTé la LUmiERe D'aAAnorR. Je SUIs MAiTRe DU SavOIr. J'aI COnnNAisSAnce de CHosesS Que VOUS ne souPPçoNNez MMêmME PAs, malgRé VOs AGes, EldaR. Et AUjOUrd'HUi, je VOUs Dit: VOYezZ Au dElàà de Ce quuE VOs YeuUUX VoieNT. NE Vous FIez pas à EUx."

Valentinia sourit. Son sourire avait de quoi désarmer quiconque lui aurait prété la moindre mauvaise attention, ou le moindre noir sentiment.

"UneE PErsONNe FaiBLe et IgnoraNNTE peuT S'avéREr êTRe touT LE ContraAIRe de CE qu'ELle esT. SaCHez qUE Ma Vie m'A APpriS A me MéfIER... en GénéRal..."

Elle pose son regard sur Daemoth, lentement, respira doucement
"... et Des MââLLes en PArticulLIer..."

Le sourire qu'elle affichait enlevait toute aggréssivité à ses paroles.

Atanys s'amuse de ce soudain changement d'atmosphère.
Lorsque l'Elfe s'énerve, tout semble se dégrader. Le maître du savoir connaît bien ce genre de choses, elle en a déjà vu souvent. Le caprice d'un Elfe est toujours plus impressionnant que celui de toute autre race, car l'Elfe connaît des rouages de colère dont les autres races n'ont pas même l'ombre d'une idée. Sauf les maîtres du savoir eux même, qu'ils soient humain ou autre ... Atanys sent alors une forme accrue de compassion envers Daemoth, il ne méritait pas que Valentinia soit si dure avec lui. Ainsi l'Elfe se rapproche de son ami et pose une main en dessous de ses épaule. Le fixant droit dans les yeux elle lui adresse quelques mots d'une douceur infinie.

-Vous savez Daemoth, c'est en m'écoutant que vous me comprendrez ... Alors je crois que vous pouvez déjà me comprendre. Nous les Elfes avons eu le temps de faire le tour de maintes questions, nous avons des origines communes, mais des histoires différentes et malgré cela, il fait tellement de temps que nous foulons ces terres que rien ne nous paraît insurmontable. Mais la raison ignore parfois la compréhension. Si je veux parler à Dame Valentinia, c'est parce qu'elle partage quelque chose de plus avec moi même. Nous avons le savoir, bien qu'elle en sache bien plus que moi. Vous le détenez aussi mais vous ne possédez pas le même. J'aime votre compagnie et je vous remercie de tout ce que vous faites pour moi. Jamais je ne l'oublierais et vous êtes parmi un groupe si fermé, membre de ceux qui me redonne espoir lorsque je tombe dans le mal.

Puis Atanys reporte son attention sur Valentinia.
Elle se surprend elle même à parvenir à être si douce. Quoi que comporte l'évolution qu'elle avait suivi depuis ces si nombreuses années, elle avait certains acquis qu'elle se rendait compte ne pas avoir perdu. Lorsqu'elle fut autrefois gardienne d'une élite pour la Lorien, elle avait eu à parler, à conforter tout le monde et unir ses hommes sous la seule bannière de Galadriel, elle avait appris à écouter et à réconforter, car sans espoir, sans compassion, aucune alliance ne pouvait être viable.

-Je crois qu'il est temps que je vous raconte une chose ou deux, pour apaiser un peu les tensions.
J'ai connu un Elfe un peu hautin jadis, une jeune sentinelle originaire de la forêt noir. Il s'est toujours cru au dessus de tout, il pensait son histoire unique et de fait il croyait être au dessus de tout. Il était sur que personne ne pouvait le comprendre ni même deviner certains de ses secrets. Il pensait que parce qu'il avait vécu, il avait tout vu et que personne n'avait plus rien à lui apprendre et par dessus tout, il se croyait invincible. Un jour il est entré sous mon service dans mon équipe spéciale. Nous étions peu nombreux mais tous formés à des arts différents. Voyez vous, il n'entrait jamais dans le groupe, car il n'y trouvait pas sa place, étant fermé aux histoires et aux particularités respectives des autres. Il croyait les avoir cerné et ne rien avoir à apprendre eux, aussi il leur donnait sans cesse des leçons. Un soir nous avons subit une attaque et comme toute bonne sentinelle il prit les devant, massacra les premières lignes et pensait avoir tout remporté. Seulement il y avait une deuxième lignes, c'était une embuscade. Il se retrouva seul face à trente et il réalisa alors, quand un flèche lui perça la poitrine, qu'il aurait peut être du se montrer aimable avec les autres, accepter leur aide et leurs conseils, aussi il n'aurait pas était seul contre trente. C'est le premier soir où j'ai déraillé. Je voulais le sauver, à n'importe quel prix, aussi je me suis jetée au milieu de ces monstres qui sortaient de tous les côtés. J'ai brandi mon arme et je me suis mise au dessus de lui pour le protéger. Nous allions nous faire tuer lorsque ...Je ne me souviens plus pourquoi. Il m'a saisit la main et ça a créé une force en mois que je n'avais soupçonné. Mon arme s'est mise à luire plus que jamais et la lueur que je générais ensuite repoussa les monstres au plus profond des bois. Je l'avais sauvé, mais il restait cette flèche. Il fallu à nos soigneurs des heures entières pour le tirer de là, car son coeur avait été percé. Alors que le trou était encore béant, il m'a incrustée en lui et jamais il ne m'a oublié. Depuis ce jour, il a toujours favorisé l'équipe et jamais il n'a laissé quelqu'un seul face au danger. J'ignore ce qu'il est devenu depuis ce fameux soir, peut être l'ai-je moi même tué lui aussi ... Si je voulais vous raconter cela, c'est pour vous faire comprendre que la différence n'est pas importante, que nos histoires respectives ne doivent pas nous aveugler, nous sommes tous complémentaires et nous ne devons pas mettre en avant nos différences, mais nos points communs. Nous sommes des ombres et pour cela nous avons le devoir d'être unis.

Atanys adressa alors un grand sourire à ses deux amis.
Elle ignorait ce qui l'avait poussé à parler ainsi, elle l'avait fait et rien d'autre ...

De longs jours s'étaient écoulés depuis cette conversation. Au coin du foyer,
le Chasseur retrouva son fauteuil favori. Il manquait la petite tablette où il avait accoutumé de disposer quelques coupes, un cordial, un réceptable pour les cendres de sa pipe. Quelqu'un l'avait rangée le long du mur, et un vase empli de fleurs fraîches y trônait désormais.
L'Elfe contempla la scène, ombre et lumière dans ce matin d'hiver. L'air était neuf, le soleil brillant, et il sourit en repensant à la conclusion un peu abrupte de la conversation avec Atanys et Valentinia. Qu'avaient-elles fait durant ce temps où il avait du s'absenter dans le Nord ? quelles craintes étaient nées, ou avaient guéri, au coeur de la jeune Damoiselle Atanys ? Dame Valentinia était-elle toujours aussi acerbe, ou bien avait-elle trouvé une nouvelle sérénité ?
Il s'assit, contemplant pensivement les rayons du soleil sur le mur tout proche.

"Des ombres, immuables et différentes."

Et les heures s'écoulant jusqu'au soir le trouvèrent ainsi. Mais au crépuscule, le Chasseur sortit un instant de sa rêverie, tirant sa vieille pipe de son manteau. Avec des gestes à la fois prestes et mesurés, il la bourra et l'alluma. Et tandis qu'une ombre ravivait le feu dans l'âtre, il disposa à ses pieds trois coupes, un peu de mirùvor, et son luth, fidèle chien de bois.

Et il attendit la prochaine Ombre prête à donner et recevoir. Vous, peut-être ?...