De la pluie, des capes, et des tracas...

Depuis son retour, Melwaen n'avait pas l'esprit tranquille. Elle dormait peu et mal ce qui contribuait d'avantage à lui mettre les nerfs à vif. Elle d'habitude si calme et pondérée, avait bien du mal à ne pas s'énerver contre de petites contrariétés pourtant. Et notamment elle avait depuis quelques jours la fâcheuse tendance à perdre certains objets. Elle venait justement de passer plus d'une heure à chercher dans son coffre une cape qu'elle avait décidé de porter ce jour là. Pourquoi ce maudit macabras de feu avait il eu la bonne idée de s'en prendre à celle qu'elle portait jusque là? Mystère, mais le vêtement arborait un monstrueux trou, souvenir de la brûlure qu'il avait visiblement aussi mal vécu que sa propriétaire. Alors elle avait pensé ressortir sa vieille capeline qui, elle, était en bon état malgré son âge certain. Il serait toujours temps de s'en coudre une nouvelle plus tard, pensait-elle et là elle ne l'avait pas justement, le temps. Où était donc passée cette fichue cape? Pourquoi n'était elle pas rangée avec les autres vieux vêtements? Voilà un autre mystère qu'elle aurait bien aimé résoudre et vite ! Après avoir sorti chaque objet du coffre et inspecté son contenu une bonne dizaine de fois, elle dut se rendre à l'évidence, la cape n'était pas là. Et bien sûr il pleuvait des cordes au dehors, elle devait se rendre en Falathlorn ce matin même. Soupirant d'exaspération, elle avait abandonné là le tas de vieilles affaires, en fouillis sur le sol. Elle les rangerait à son retour, une fois calmée. Elle prit appui sur le lit pour se relever et là, la narguant de toute sa longueur, la cape reposait tranquillement, comme si elle avait passé l'éternité ici même. A sa vue Melwaen ne sut si elle devait se mettre à rire ou à pleurer. Elle n'avait bien sûr, pas le moindre souvenir de l'avoir sortie de sa malle. Elle s'en empara nonchalamment et d'un geste brusque la passa autour de ses épaules. Sans même prendre le temps de la nouer, elle sortit en claquant la porte.

La chevauchée à travers une partie de la Comté puis de l'Ered Luin l'avait apaisé. Elle aimait galoper montée sur Glânfinnel, son étalon, sentir le vent sur son visage et dans ses cheveux. Sa capuche ne tint pas longtemps sur sa tête et la pluie tombait sur elle, mais cela lui était égal. Au contraire même, la pluie avait un côté mélancolique qu'elle avait toujours apprécié. Bien sûr lorsqu'elle mit pied à terre devant l'allée de la maison des Ombres, elle était trempée jusqu'aux os. Finalement elle aurait pu se passer de cette fichue cape, elle ne préféra pas s'attarder sur cette pensée sous peine de voir ressurgir sa mauvaise humeur. Elle pénétra à l'intérieur, retira le maudit vêtement qui l'avait tant fait pester et l'accrocha à une des patères à l'entrée. Tout était calme, ses compagnons étaient rarement là à cette heure. Elle se dirigea donc vers son bureau, ne notant même plus la présence de l'ours empaillé dans le grand salon, il faisait désormais parti des meubles. Alors qu'elle allait mettre un pied dans la pièce qui lui était plus ou moins reversée, elle s'immobilisa. Un objet de couleur dorée avait attiré son regard. Le cœur battant, elle s'approcha un peu. Elle l'avait reconnu au premier regard bien sûr mais ne parvenait pas à comprendre ce qu'il faisait là. Précautionneusement, comme s'il risquait de la mordre, elle le prit dans sa main. Le contact de cette feuille de mallorne pourtant anodine fit ressurgir en elle un flot d'émotions et de souvenirs d'enfance. Elle en avait vu des centaines sur le sol et dans les arbres il y avait seulement quelques jours alors pourquoi celle-ci la perturbait autant ? Et qui l'avait posé là? Elle n'eut pas le temps de s'interroger d'avantage qu'une voix la fit sursauter. Elle se retourna brusquement et aperçut Atanys. Se remettant un peu de son trouble, elle lui sourit avec douceur et s'avisa qu'absorber par la feuille, elle n'avait pas prêté attention à ce qu'elle lui avait dit.

« Bonjour jeune Atanys, comment allez vous? Je suis navrée mais j'avais la tête ailleurs et je ne vous ai pas entendu arriver. Que me disiez vous? »

Gardant la fine dorure dans sa paume, elle se concentra sur sa consœur. Les Ombres avaient à ses yeux priorité sur toutes choses ou presque, à commencer par elle même.

Encore un de ces interminables jours de pluie.
Mais Atanys était plutôt de bonne humeur ce jour là. C'était rare ces derniers temps, mais après tout, une petite halte dans ses courbes d'humeur ne lui ferait pas le plus grand mal. Et puis, il n'était pas encore tard. Comme à l'habitude depuis quelques temps, l'Elfe avait souhaité venir faire une halte dans le repère des ombres, pour reprendre un peu ses esprits et faire le point de sa situation à l'abris du mal. Du moins elle croyait l'être. La maîtresse du savoir avait donc ravivé les quelques plantes posées dans la chambre où elle aimait dormir, puis elle avait invoqué son ami l'ours, qui s'était mis en boule non loin d'elle. Enfin Atanys s'était assise sur un tapis au coeur de la pièce pour méditer un peu en fermant les yeux. Une pratique amusante à regarder, mais qui en réalité prodiguait à la maîtresse du savoir une régénération de l'esprit assez inouïe.

-Tu ne devrais pas t'aventurer dans le noir ...

A ces mots, l'Elfe sursauta, sans s'en rendre compte, elle s'était endormie pendant bien trente bonnes minutes. Autour d'elle les plantes s'étaient transformée, toutes devenues rouges sang alors qu'elles étaient blanches auparavant. Atanys fut pour le moins intriguée, d'où pouvait bien provenir ce murmure dans sa tête ? Ce n'était pas la première fois que ça lui arrivait, mais c'était un fait de plus en plus fréquent et toujours aussi mystérieux.

-Qui est là ?

Atanys tira son bâton.
Un bruit de porte avait retentit en bas, et des craquement. Un éclair vint aveugler l'Elfe quelques secondes. Et si c'était le propriétaire de la voix, qui était venu ici ? Mais pour quoi ? Pour qui ? Le coeur d'Atanys commença à battre de plus en plus fort. Il se pouvait que ce ne soit qu'une Ombre qui venait d'entrer, aussi il lui faudrait être vigilante. Atanys entendit d'autres petits bruits, des petits grommellement. Prenant son souffle, la maîtresse du savoir s'immobilisa un instant de dos au mur, glissant un regard hésitant dans la pièce suivante de celle où elle se trouvait. Il y avait en effet quelqu'un, mais ce n'était pas du tout le mal en personne.

-Melwaen ! Vous m'avez fait peur ! Est-ce que tout va bien ?

Mais Atanys eut le sentiment que l'autre maître du savoir n'avait pas entendu ce qu'elle venait de lui dire. C'était étrange, Dame Melwaen semblait de plus en plus préoccupé ces derniers temps, aussi Atanys n'aurait pas eu besoin d'être psychologue pour comprendre que l'Elfe était elle aussi préoccupée.

-Je vous demandais si vous alliez bien ? Quel est donc cette chose que vous tenez en vôtre main ?

Et Atanys avança curieusement pour tenter de voir quel était la nature de l'objet.

-Vous allez bien, je vous trouve préoccupée ... J'ignore si je choisis le bon moment pour vous parler, mais je tenais à vous voir pour vous demander une sorte de ... Faveur, voyez vous ? Je crois que j'en suis à un stade où je m'interroge beaucoup trop sur moi même et j'aurais voulu savoir si vous pouviez prendre quelques heures, de temps en temps, pour m'aider dans mon ascension de maîtresse du savoir ?

La jeune elfe se tenait devant elle et c'est tout naturellement que Melwaen posa sur elle un regard que l'on aurait pu qualifier de maternel. Ses confrères étaient sa famille désormais et donc sous sa protection. Elle avait en charge de les guider dans la voie périlleuse qu'ils avaient choisi de suivre à ses côtés. Il ne lui fallut pas longtemps pour remarquer la lueur d'angoisse dans le regard. Elle se souvenait qu'Atanys lui avait dit, il y avait quelques temps de cela, être pour le moins perturbée à propos de rêves et autres phénomènes étranges. Elle s'était donc promis de garder tout particulièrement un œil sur elle. Aussi le fait qu'elles se retrouvent toutes deux ici dans leur maison était une bonne chose. Cette fois elle écouta attentivement les mots de l'elda et de sa voix douce, qu'elle voulait apaisante, elle lui répondit:

« Je vais bien Atanys, je vous remercie. »

Elle posa de nouveau ses yeux azur sur l'objet qu'elle tenait dans sa paume tournée vers le plafond. La feuille... Un instant elle l'avait oublié... Elle s'interrogerait à son propos plus tard ou même pas du tout, ce n'était sans doute qu'un clin d'œil anodin qu'une Ombre avait souhaité lui faire sur ses origines, bien qu'elle doutait que beaucoup sachent d'où elle venait, elle n'en parlait jamais. Comme l'elfe avait fait quelques pas pour la voir, elle tendit la main vers elle pour la lui montrer.

« Ce n'est qu'une feuille de mallorne. »

Elle sourit et la déposa sur son bureau, à côté d'une pile de pages vierges, de sa plume et de son encrier. Atanys lui fit alors une demande particulière. Melwaen n'eut pas longtemps à réfléchir à sa réponse. Passer du temps avec sa jeune consœur serait un plaisir, la Moria l'avait trop accaparée ces derniers temps et les Ombres lui manquaient. Elle replaça une mèche de cheveux et s'avisa qu'elle était en train de dégouliner toute entière sur le sol, du moins ses vêtements trempés par la pluie. Elle jeta alors un regard vers l'âtre éteint et se dirigea vers le porte-bûche juste à côté. Elle déposa Xyphias, son bâton, contre le mur. Elle s'accroupit et saisit un, puis deux morceaux de bois avant de les déposer dans la cheminée. Elle renouvela l'opération et fit jaillir de la paume de sa main, celle-là même qui avait tenu la feuille un peu plus tôt, une petite flamme. Sans son bâton elle aurait bien été incapable de lancer un sort puissant mais elle maitrisait assez bien le feu pour savoir le faire naître juste au creux de ses mains, aussi n'eut elle pas même besoin d'avoir recours à une incantation. Elle dirigea la lueur dansante vers l'âtre, la fit grandir jusqu'à enflammer le bois. Elle retira sa main, déjà la flamme avait disparu de sa paume. Elle se releva et fit signe à Atanys de prendre une chaise et de s'asseoir comme elle auprès du feu. Elle tira la sienne aussi près que possible de la cheminée et s'y installa.

« Ne vous inquiétez pas pour moi Atanys, mes soucis sont sans gravité et passagers j'en suis certaine. Quand à votre requête, c'est avec joie que je vous accompagnerais sur le chemin du savoir. Moi même j'en ai parcouru une grande partie mais c'est une voie aussi infinie que ne l'est le ciel. Aussi ai-je encore bien plus à apprendre. Quand à vos interrogations, je suppose qu'elles sont compréhensibles. Toutefois, le vent se demande t-il s'il doit souffler ou se taire? Je ne le pense pas. Il écoute sa nature profonde. La nature est notre mère à tous, elle a tant à nous enseigner. »

Melwaen sourit de nouveau à l'elda à la fin de sa tirade. Elle la sentait perdue, désorientée et pleine de doutes ainsi que de questions. Elle n'aurait probablement pas toutes les réponses, loin de là même, voir pas du tout peut être. Toutefois elle l'aiderait de toutes ses forces à les trouver.

Atanys ne tarda pas à détourner les yeux.
Melwaen était à ce point inaccessible qu'elle se demanda un instant si elle avait eu raison de poser des questions à son sujet ... Peut être aurait-elle mieux fait de se taire ? Bref, pour l'heure, cela ne semblait pas être le propos, mais il s'agissait bel et bien d'elle même, à priori. L'Elfe laissa s'étirer ses lèvres en un large sourire lorsque Melwaen accepta de la guider. Ce n'était rien à première vue, mais pour la maîtresse du savoir aux longs cheveux bruns, c'était tout ! Mais par où commencer ? Il y avait tant de choses à dire, tant de questions à poser et de sentiments qui ne demandaient qu'à s'exprimer. Melwaen avait en face d'elle le coeur meurtrie d'une créature qui se renfermait sur elle même depuis trop longtemps. Du moins qui avant ce jour n'avait jamais voulu ennuyer les autres avec ses histoires. Mais depuis qu'Atanys connaissait les ombres, elle avait eu envi de s'ouvrir à eux. Ils apportaient tous une certaine sérénité à ce lieu dans lequel elle aimait bien venir pour penser un peu. Et l'Elfe en face d'elle, Melwaen était pour Atanys l'exemple que beaucoup d'entre eux voulait suivre pourtant ... La maîtresse du savoir sentait chez sa consoeur une particularité, quelque chose qu'elle n'était pas capable d'exprimer par elle même. Mais ça semblait bien là. Bref, aucune question.

-C'est très aimable à vous, je ne sais pourtant que dire, ni par où commencer. peut être serait-il bon que je vous parle de ces cauchemars ? Encore une fois ... Ils influent directement sur mes forces depuis quelques temps, j'ignore pourquoi mais plus j'en fais, plus ils sont puissants et parfois, je crois même que j'entends quelqu'un qui me parle. Ou qui parle à quelqu'un d'autre. Avez vous déjà connu ou entendu quelque chose de similaire auparavant ?

Mais peut être la question était-elle inutile.
De toute manière Atanys passait sûrement déjà pour une folle, sans avoir en plus le besoin d'accompagner quelqu'un avec elle dans ses simagrées. En voyant Melwaen allumer le feu, en observant la flamme apparaître au creux de sa main, une lueur curieuse éclaira son regard. Elle savait faire de même ce genre de choses, mais elle n'avait encore jamais quelqu'un user de cette maîtrise du feu avec tant d'agilité. En l'état actuel des choses, si toute fois elle créait une boule de feu, il valait mieux pour elle la lancer au plus vite sans quoi elle mettait à coup sur le feu à sa robe. Un vague souvenirs de nombreux allées-retours enflammé vinrent illuminer l'esprit d'habitude si sérieux d'Atanys, aussi elle manqua d'éclater de rire sans raison. Mais par chance elle s'était abstenue, histoire de ne pas passait davantage pour une folle ...

-Jamais par hasard ne tombent les feuilles de la Lorien.

Murmura enfin Atanys en observant la feuille de mallorne.

-Du moins c'est ce que je crois. Si cette feuille était là, ce n'était pas une erreur, c'était bien pour vous. J'espère ne pas être offensante lorsque je dis cela, mais je crois que je suis une Elfe de la Lorien avant d'être une Ombre. Car ce sont ces terres qui m'ont vu venir au monde. Et je crois en la magie qui règne en ce pays. Vous le savez, vous venez de là-bas vous aussi. Le bête, pour rester polie, dira que l'ont trouve la même force à Fancombe, où à Lindon et dans la forêt noire, mais vous savez aussi bien que moi que c'est faux. Il y a à la Lorien quelque chose de plus ...

Mais Atanys se surprit elle même lorsqu'elle ne trouva pas ses mots pour exprimer sa pensée, son sentiment à l'égard de sa patrie.

-C'est étonnant, mais j'ignore ce que je peux vous dire. Je crois que c'est un fait inné. Nous le ressentons tous sans pour autant pouvoir l'exprimer, ça fait ... Parti de nous. Nos origines font que nous sommes parfois plus aptes à nous comprendre. Je ne me suis jamais demandé si c'était vrai.

Atanys détourna de nouveau le regard.
Certains disent que seul l'expérience d'un fait permet à quelqu'un de comprendre une personne ayant vécu la même chose, pourtant, Atanys aimait à penser que les choses n'étaient pas si simples, ou si pessimistes, que des choses plus "spirituelles" pouvaient parfois intervenir. Un maître du savoir peut redonner vie, force ou énergie à un être quelconque, d'une certaine façon il a le pouvoir de se connecter aux autres. C'était bel est bien une forme de compassion, de compréhension et il n'y avait rien de concret à cela.

-Je voudrais partager certains de mes rêves avec vous. Pas vous les raconter non, mais vous les montrer. Pensez vous que ... Nous pourrions y parvenir ?

La guide Des Ombres portait toute son attention à sa consœur. Son regard dans le sien était doux, amical, elle souhaitait mettre Atanys en confiance. Elle devinait qu'il ne devait pas lui être facile de s'ouvrir ainsi sur ses peurs si personnelles. Les bûches dans l'âtre s'embrasaient parfaitement désormais, et seul le petit bruit du crépitement berçait la conversation. La chaleur du feu venait conférer une atmosphère conviviale et sereine, idéale pour leur échange du moment. L'elda commença à aborder le fond de ses pensées, le cœur des angoisses que Melwaen avait pu lire dans ses yeux. Chaque mot prononcé par le jeune Ombre résonnait dans son esprit. Elle les analysait un par un, puis ensemble, pour être sûre de bien comprendre, de bien interpréter et de ne rien laisser passer. Alors qu'elle lui reparlait de nouveau de ses rêves et l'interrogeait sur sa connaissance d'un phénomène similaire, la guide caressa machinalement l'anneau qu'elle portait autour de son cou, accroché à une chaîne. Ce geste lui était devenu habituel depuis qu'elle le portait, sous ses vêtements le plus souvent. Ce faisant, elle réfléchissait à un phénomène similaire dont elle aurait pu être informée.

Mais alors que son esprit tournait à pleine vitesse, Atanys reparla de la feuille. Le murmure était parfaitement audible pour une oreille elfe. Cette remarque l'interpela et la troubla de nouveau. Elle l'écouta spéculer au sujet de l'objet puis le sujet dériva naturellement vers la Lorien. Alors que l'elda reparlait de leur région natale à toutes deux, l'image de ces grands arbres aux parures dorées revint à elle. Bien sûr qu'elle partageait le point de vue de sa consœur. Comment aurait il pu en être autrement? Melwaen avait parcouru de nombreux territoires, découvert des paysages plus merveilleux les uns que les autres, la Comté notamment avec ses collines verdoyantes, ou le Forochel toujours couvert de son blanc manteau. Toutefois dans son cœur aucun ne pouvait rivaliser avec les splendeurs de le Lorien. Sans doute lorsque l'on avait pas vu ces grands et majestueux mellyrnes tutoyer le ciel, leur feuillage si chatoyant auquel les rayons du soleil donnaient des reflets que l'on ne pouvait décrire, sans doute alors pensait-on connaître les plus somptueuses choses en ce monde. Et pourtant, qui n'a pas foulé le sol de la Lorien est pauvre de ce spectacle là.

« Il y a en effet dans la région qui nous a vu naître un éclat tout particulier que l'on ne peut trouver ailleurs ou même seulement imaginer. Et je comprends parfaitement ce que tu as voulu dire Atanys. »

Continuant sur son idée de communion particulière, la jeune elda reparla de ses rêves. Elle proposa de les lui faire partager, sans mots toutefois. Melwaen lâcha l'anneau entre ses doigts et posa ses mains sur ses genoux. Elle se tourna vers la fenêtre du bureau, comme si elle cherchait l'inspiration au dehors, ce qui n'était pas si surprenant pour une amie de la nature. Elle resta un instant interdite, sondant son propre esprit pour savoir si elle serait capable d'une telle chose. Elle savait lire en certains êtres, elle avait parfois utilisé cette compétence lors de périlleuses batailles mais toujours contre ses adversaires. Ce n'était pas ce qu'elle réussissait le mieux. Pour faire profiter Atanys de sa réflexion, elle énonça ses propres pensées à voix haute, à mesure qu'elles lui arrivaient.

« Il est vrai que nous autres maîtres du savoir apprenons à écouter, à connaître les choses et les êtres qui nous entourent, afin de dévoiler leurs forces et leurs faiblesses. Je ne me suis toutefois jamais essayer à l'exercice dont tu parles et je ne sais si j'y réussirais. En alliant nos deux pouvoirs, nos deux magies, peut être cela serait-il possible. Je l'ignore mais il n'y a qu'un seul moyen de le découvrir. Toutefois si nous décidons de tenter une telle expérience, je pense qu'il nous faudrait commencer par des exercices moindres. Cela peut se révéler dangereux autant pour toi que pour moi, alors autant commencer en douceur. »

Melwaen tourna de nouveau le visage vers l'elda et lui sourit. Son sourire se voulait rassurant et doux mais à ses traits l'on voyait bien qu'elle prenait la chose avec un grand sérieux.

Atanys écouta donc les pensées de Melwaen comme elles lui venaient.
Il y avait dans ces mots une justesse inouïe, les traces d'une sagesse sûrement durement acquise. Mais après tout, les Elfes foulaient la terre du milieu bien plus longtemps que n'importe qui. Atanys glissa alors curieusement son regard par la fenêtre à son tour. La pluie semblait ne pas avoir fait de pause, par ailleurs, tout était scintillant, couvert de rosée, les plantes, les murs ... Un instant suffit à la jeune Elfe, pas si jeune que cela, pour se perdre au dehors. Il y avait comme une mélodie, en elle, qui se mettait en route chaque fois qu'un détail de la nature attirait son regard. De légers coups de vent semblèrent porter des feuilles, dessinant parfois de drôles de silhouettes. La nature n'était pas morte, en ce monde qui pensait l'avoir maîtrisée, endormie ... Mais elle était en train de s'éveiller. Atanys reporta son regard sur Melwaen, n'hésitant plus cette fois à l'enfoncer droit dans le sien.

-Je suis d'accord. Je crois que de petits exercices auparavant ne nous tueront pas. Des suggestions ? Sans quoi je crois que j'ai une petite idée. Si toute fois vous pensez qu'on peut commencer tout de suite ?

Atanys chercha donc un siège sur lequel elle pourrait s'asseoir.
Une fois qu'elle trouva, l'Elfe le ramena jusqu'à elle et se posa délicatement dessus. Ce serait mieux pour prendre le temps de discuter et pourquoi pas, pour commencer certains exercices. De toute façon rester debout comme un piquet devant le bureau ne les avancerait à rien.

-Le danger me semble clair, pourtant je me demande ce qui risquerait de nous être fatal, à l'une comme à l'autre ? Ce que nous nous apprêtons à faire n'est pas très répandu j'en conviens, mais finalement, contre un ennemi ou moi même, quelle serait la différence sur le principe ? Il s'agit aussi de révéler des choses enfouies en moi, non avec plus de violence que vous ne le faite à l'ordinaire sur des orques ou autres trucs ...

Et l'Elfe se laissa emporter par une pensée ou deux.
En effet, si toute fois Atanys ne tenait pas ces images d'elle même. Dans l'éventualité où tout ce dont rêvait Atanys lui venait de quelqu'un d'autre, que se passerait-il si Melwaen plongeait elle même dans ces images ? Si la tête d'Atanys était occupée par cette mystérieuse voix, que risquait Melwaen en pénétrant son esprit ? Il fallait considérer tout cela car c'était encore des hypothèses plausibles, pourtant Atanys n'était pour l'heure pas assez avancée dans ses réflexion pour mettre en garde à ce sujet avec clarté.

-Il faudra faire attention cela dit. J'ignore quelle est la nature de mes cauchemars et si ces murmures que j'entends parfois ne sont pas dangereux. je pense qu'il serait bon que nous prévoyons cela.

Et Atanys en vint au sujet qui déplairait sûrement à Melwaen, en vue de sa manifeste habitude de ne rien vouloir dévoiler sur elle même au quotidien. Ou du moins suffisamment peu pour qu'on en sache trop.

-Cela dit, si nous allions nos deux pouvoirs, je crains que des choses échappent de vous aussi. Il n'est pas dit que vous soyez la seule à lire en l'autre. Si nous faisons en sorte de ne faire qu'une pour partager mes rêves, il est tout à fait possible que d'autres phénomènes entre en jeu. Il faut que vous ayez confiance en moi ...

Cela paraissait peut être risible.
Mais Atanys prenait la chose très au sérieux. En effet elle ne voulait obliger Melwaen à rien et ne voulait pas la prendre en traître. Ce n'aurait pas été digne d'une Ombre d'agir ainsi envers l'une de ses consoeurs. Aussi la maîtresse du savoir s'appliquait, même maladroitement, à tout mettre à plat avant de ne commencer quoi que ce soit. Il n'était bien sur pas certain qu'Atanys décèle des choses chez Melwaen pendant leurs "tentatives de partages" cela dit, il était bon d'y penser tout simplement.

En même temps que Melwaen écoutait sa consoeur, elle réfléchissait toujours sur la technique à adopter ainsi que sur les éventuelles conséquences de leur expérience. Elle se sentait prête à tenter l'aventure même si elle avait des doutes sur son accomplissement et sur sa fin. Mentalement elle repassa les divers sorts et incantations qui pourraient lui être utiles ainsi que les connaissances qu'elle avait acquis dans ce domaine.

« Le savoir que j'utilise sur nos ennemis est tout autre que celui auquel nous devrons avoir recours ici. Bien sûr ils sont liés, seulement pas tout à fait semblables. Lorsque j'utilise ma sensibilité et mes aptitudes pour sonder un orque pour citer ton exemple, je ne cherche pas à pénétrer réellement son esprit. Je ne serais pas capable de deviner quels seraient ses plans par exemple. Du moins je ne m'y suis jamais essayée. Ce que j'arrive à voir ce sont ses failles, ses vulnérabilités, je ressens ses points faibles car nous en avons. Ici il s'agit de pénétrer ton esprit, d'y lire ou d'y vivre un souvenir, un rêve. L'esprit est une chose mystérieuse et complexe. Je ne puis affirmer que nous y parviendrons ni même le croire. Cependant comme je te l'ai dit j'y emploierais chaque chose en mon pouvoir pour le tenter. »

Atanys souleva alors un point d'inquiétude qui était venu aussi à l'esprit de sa guide. Les rêves n'étaient ils que cela ou un signe plus inquiétant ? Elle savait qu'un objet pouvait avoir un effet maléfique sur son possesseur et aussi qu'il existait des cas de personnes ayant été des marionnettes entre les mains des ténèbres. Elle n'avait par contre jamais entendu parlé d'êtres pouvant marcher dans les rêves ainsi, les hanter. Pour accomplir de tels actes il fallait avoir un pouvoir énorme. Par là-même le risque qu'elle courait en se mêlant à ses songes était grand et elle en était consciente, sa protégée aussi visiblement.

« Oui voilà pourquoi nous devrons prendre maintes précautions afin de nous préserver l'une est l'autre. Il y a en effet un danger à ce que je m'expose moi aussi à la force qui régit tes cauchemars, si toutefois elle existe. Mais nous serons prudentes et je tâcherais de fermer le plus possible mon esprit. »

Melwaen écouta l'elda énoncer aussi le fait qu'elle pourrait elle même accéder à certains de ses souvenirs ou émotions. Pourtant à ce sujet là, elle ne partageait pas son avis et elle s'empressa de le lui expliquer.

« Comme je vois les choses, il ne s'agira pas vraiment d'un partage. Tu m'ouvriras la partie en toi qui garde ces songes et je tâcherais d'y accéder. Il s'agit surtout pour moi de me connecter à toi et pas vraiment l'inverse. Si je t'ouvrais mon âme, mes pensées, et qu'il y ait bel et bien quelqu'un d'autre connecté à toi, il pourrait prendre possession de mon esprit aussi. C'est un risque que je ne peux pas me permettre de courir. J'ai appris par la force des choses à séparer mes émotions de mes actes, et à garder secret en moi celle que je suis pour pouvoir accomplir la mission qui m'a révélé aussi à moi-même. Alors il ne devrait pas m'être difficile de me protéger en visitant tes cauchemars. Toi, tu devras me faire confiance et te laisser dévoiler jusqu'à tes plus grandes peurs puisqu'elles résident visiblement dans ce problème. Et déjà cela est un énorme travail en soi. Il n'est pas si facile de se livrer à un autre. Nous cachons tous en partie ce que nous sommes profondément, de peur sans doute de nous rendre vulnérables ou que l'autre n'aime pas ce qu'il découvre en nous. Mais tu as face à toi une elda qui t'apprécie déjà et qui t'accepte telle que tu es car c'est là la seule façon d'aimer un être. Alors, si tu te sens prête à vivre cette expérience, à te livrer un peu à moi, j'accepte aussi de t'aider. »

Le regard qu'elle posait à ce moment-là sur Atanys était des plus bienveillants. Ses yeux azurs semblaient parler pour elle et confirmer ses dires. La relation qui devrait les unir serait basée sur la confiance et l'écoute. Elles avaient déjà accompli le premier pas mais le chemin était encore long à parcourir.

-En effet oui ...

Et Melwaen avait sans doute raison sur tout.
Il y avait à présent une chose positive dans toute cette histoire, Atanys savait qu'elle ne serait plus seule. L'Elfe bascula son regard à travers les recoins de la petite pièce qui était le bureau. Une petite bibliothèque attira d'ailleurs son regard. Cela lui rappela un livre, quelque chose qu'elle cherchait ardemment sans le trouver. Aussi aimait-elle penser que si elle ne le trouvait pas, ce n'était en rien un hasard, et même peut être que c'était habilement monté pour que jamais elle ne mette la main dessus. Pourtant elle savait que le manuel se trouvait quelque part dans cette maison, elle l'y avait caché elle même le jour de sa première visite ici. Peut être serait-il bon d'en parler aussi, bien que cela pouvait attendre encore le moment venu, de toute façon Atanys ne se souvenait plus où elle l'avait mis, peut être même l'avait-elle déplacer plusieurs fois sans s'en souvenir. A croire que livre avait lui même la faculté de promener seul.

-Pour commencer, il serait peut être bon que je vous parle de ce dont je me souviens. De ma vie avant tout cela, de mes relations, de mon rôle. J'ignore qui vous étiez aux yeux de la Lorien, moi je me nommait Ellana Silver. J'étais une sorte de général chargée de missions de reconnaissances multiples.

En commençant à raconter son histoire, Atanys se rapprocha d'une fenêtre, après s'être levée de sa chaise. Aussi l'Elfe s'aperçut qu'il faisait à présent un peu soleil, lorsqu'un rayon éclaira son visage à travers les vitres, lui donnant un air des plus solennel, reluisant, comme si les ténèbres de son passé n'avait jamais obscurcit son âme. Lorsqu'Atanys parlait de son prestige passé, elle reluisait, tout simplement.

-J'étais l'une des rares femmes Elfes à être aussi attachée à un rôle militaire. En général nous sommes des princesses ou de simples pions qui se battent si nécessaire. Moi j'étais un vrai soldat, une guerrière. Je ne maîtrisais pas le bâton de la même façon qu'aujourd'hui et à l'époque j'avais parfois recours à l'art de l'épée. Savoir que j'ai perdu depuis mon amnésie. Nôtre reine en personne me confia alors une mission, une tâche qui demanderait toute ma connaissance, à l'époque je l'avais senti mais je n'avais pas imaginé que cela demanderait un jour bien plus que ma force. En effet, je fus chargée de monter une équipe composé des meilleurs éléments de toute la terre du milieu en l'art de la reconnaissance et nous aurions ensuite pour mission de déterminer si une certaine région de ces terres représentait un danger pour une cause qu'on a jamais voulu me communiquer. Je ne me souviens plus sur quoi j'enquêtais, mais un beau soir, alors que nous étions en basage sur le flanc d'une colline, à la lisière d'une forêt que je pense être fangorn, nous fûmes attaqués et c'est ce soir là que tout bascula. Je vous raconte cela, alors que je l'ai déjà souvent raconté, mais il y a un détail dont je me rappel maintenant, un détail important.

Atanys reporta son attention vers les livres, le regard flamboyant et un air beaucoup plus obscur que ce qu'il fut quelques instants plus tôt.

-Un beau soir, alors que nous étions en pleine exploration d'un site en ruine, je découvris une sorte de sphère, enfermée dans un coffre. Il y en a peu dans la terre du milieu, je dirais même que la plus part ont disparue ou qu'elles furent détruites pour le mal qu'elles ont causé. Alors que je l'observais, je sentais son appel à travers l'oeil de verre. Mais je ne voulais pas y toucher, par peur de ce qu'il pourrait m'arriver, je connaissais les anciennes légendes au sujet de ces sphères. Seulement, un beau soir, un de mes compagnons eut un ennui, et je détenais le pouvoir de lire dans l'objet, aussi, oubliant mes craintes, je décidais de poser la main dessus pour l'interroger ... Après, c'est à nouveau le trou noir.

Et l'Elfe se tourna vers celle qu'elle considérait comme son amie.
Melwaen avait sans doute compris de quoi parlait Atanys, Il fallait connaître l'histoire des Palantiri pour deviner les bouts et les tournants de ce que racontait Atanys, aussi ses souvenirs étaient pour le moins assez fades, elle n'avait même aucun souvenir ce qu'était devenu la sphère une fois qu'elle l'eut utilisée pour la première fois. Il y avait de toute façon peu de choses à en dire, mais il y avait beaucoup à s'en inquiéter. La maîtresse du savoir tira de sa poche un parchemin et le déposa sous le nez de la guide :

Citation :: Les palantíri sont des sphères constituées d’une matière proche du verre ou du cristal, de couleur bleu sombre. Leur taille varie d’un pied à une taille beaucoup plus importante. Ils ont été créés par les Noldor en Eldamar, par Fëanor lui-même selon les sources. Ils étaient utilisés autrefois par les seigneurs d’Arnor et du Gondor pour voir tout leur royaume et communiquer entre eux. Ils permettent de voir des événements et des images éloignés en distance, ou dans le temps. Deux palantíri peuvent communiquer entre eux, sous forme de pensées et de visions d’événements lointains géographiquement ou dans le temps.
Sept d’entre elles furent léguées à Amandil, le Roi des Hommes, en signe d’alliance. Cependant, les Elfes gardèrent la pierre maîtresse à Tol Eressëa.
Après la chute de Númenor, Elendil apporte les « pierres de vision » en Terre du Milieu. Les hommes les ont ensuite installées à divers postes clés de la Terre du Milieu (Annuminas, Amon Sûl, Les collines des Tours, Osgiliath, Orthanc, Minas Ithil, Minas Tirith). Peu à peu, ces pierres furent perdues jusqu’à ce qu’il ne reste aux hommes que celle de Minas Tirith qui est contrôlée par Dénethor l’intendant du trône.

Et le visage de l'Elfe devint plus sombre encore.

-Mais vous savez qui sont les deux autres à en détenir une ...

Melwaen suivit des yeux l'elda lorsqu'elle se dirigea vers la fenêtre. Elle l'écouta toujours, parler de son passé en Lorien cette fois. Lorsqu'elle l'évoqua, des images revinrent à la mémoire de la guide, comment enfuies d'un passé si lointain. Des visages lui souriaient, des regards aimant, plein de compréhension et de tendresse. Depuis combien de temps ne les avait-elle pas revu tous ces êtres qui lui étaient chers? Il y en avait un de particulier, un elfe châtain tout comme elle, avec les même pierres d'azur, lui, revenait souvent la hanter. Elle se crispa un peu sur sa chaise, imperceptiblement pour sa voisine qui lui tournait le dos. Elle refoula ses pensées tristes, cette nostalgie, ce manque de lui, ce chagrin causé par sa perte. Elle devait être attentive à l'histoire, d'autant que ce qu'elle entendait n'était pas pour la rassurer.

Elle connaissait l'histoire des palantiri bien sûr. Il y avait quelques temps de cela, aidée de ses compagnons, elle avait essayé d'en protéger un. Il était convoité par Amarthiel, une dangereuse autant que ténébreuse personne. Cela avait été peine perdue et elle en avait réchappé de peu, encore un autre souvenir douloureux. Quand aux autres actuels possesseurs, il y en avait un en effet qui était le plus ardent ennemi de la Terre du Milieu. C'était à cause de lui et de ses sbires qu'elle devait lutter chaque jour alors qu'elle n'aspirait qu'à la paix. Alors qu'elle pensait cela, il lui sembla entrevoir de nouveau l'œil de Sauron posé sur elle, une expérience qu'elle avait déjà connu et qui chaque fois lui glaçait les sangs. Elle se reprit aussitôt, elle ne devait pas laisser son cœur gagné par le désespoir ni la terreur. Elle avait besoin de toutes ses facultés pour aider sa jeune Ombre. Son regard se posa sur le parchemin, sans même le lire. Elle savait sans doute déjà ce qu'elle y trouverait.

« Je ne sais que penser de tout cela. Les palentiri ont été créé à des fins louables et pour un usage utile à nous autres. Seulement, il est d'autres objets dans le même cas, qui ont néanmoins servi des êtres malfaisants. Si tu me racontes cela, c'est je le suppose parce que tu songes que cet événement a conduit peut être aux cauchemars que tu fais. Je ne sais si c'est le cas, mon savoir n'est pas assez grand dans ce domaine. Mais si cela s'avère juste, ce phénomène me dépasse. Je ne sais si je pourrais t'aider à te défaire de l'emprise exercée sur toi. Je peux toujours essayer de sonder ton esprit, peut être serais-je plus éclairée qu'à présent. Dans le cas contraire et avec ton accord bien sûr, nous demanderons de l'aide, à Sire Elrond, à Maître Gandalf ou à Dame Galadriel. Je ne suis qu'une goute d'eau dans l'océan de pouvoir et de connaissance qu'ils possèdent. »

Elle se sentait un peu impuissante parfois, comme à cet instant, face à toutes ces choses qu'elle ne semblait pouvoir maîtriser. Cela ne durait jamais. Tant qu'il y aurait espoir et vie en elle, elle continuerait d'œuvrer comme tant d'autres, de se battre et de croire en la victoire. Elle se leva et posa la main sur l'épaule d'Atanys, pour la rassurer, la soutenir.

« Tu seras débarrassée de ce mal qui te ronge Atanys, quel que soit son origine. Je t'accompagnerais pas à pas sur le chemin de la guérison, je partagerais ta peine et tes peurs. Tu n'es plus seule désormais à porter ce fardeau ajouté au poids du secret. »

L'elda fixa alors son amie avec un large sourire.
C'était agréable, la chaleur d'un pair qui semble vous comprendre. Il y avait en Melwaen beaucoup d'espoir en cet instant, mais il était inutile de se mentir, Atanys savait qu'elle pouvait ne pas en réchapper, ou ne pas guérir tout simplement. Là n'était pas le problème, dans un premier temps, peut être pouvait-elle vivre avec ou trouver le bonheur malgré ses ennuis. L'Elfe repensa alors à une certaine personne, à deux personnes qui lui avait un peu redonné fois dans les moments où elle pensait tout avoir perdu. Il y avait donc un dernier point à aborder, ou peut être deux ...

-Je suis d'accord pour tout ! Guérir serait parfait, si toute fois il semblait ne pas y avoir de porte de sortie pour moi, je voudrais tout simplement que vous m'aidiez pour une chose, si vous le voulez bien. Je ne me sens pas seulement sous l'emprise d'un mal étrange, je pense que ce mal bride aussi mes pouvoirs. Cela dit, ma force ne peut pas réellement être contenue et je pense que lorsque je fais ce que j'appelle des ... "Crises", je libère tout simplement le trop plein qui était resté coincé en moi. Si je pouvais déjà apprendre à libérer ma magie, à repousser les barrières qui l'empêche de fonctionner normalement, il serait possible que je sois à nouveau maîtresse de ma force, peut être que cela pourrait affaiblir le mal ? Avant de me conduire voir un des grands sages de notre monde, je pense que l'on peut jouer là dessus.

Puis Atanys baissa les yeux. Il lui fallait à présent aborder le second et dernier point.

-Je voudrais que vous gardiez tout cela pour vous. Il y a des gens qui me suivent, des ombres et j'ai peur pour leur sécurité si on les informe de tout ce que je viens de vous dire. Leilla est fragile, elle a ses propres histoires et n'a pas besoin de porter les miennes en plus. La seconde personne ... C'est Hyolendas. Je vous le dis, mais j'aimerais que cela reste entre nous. Nous avons depuis peu un lien particulier, j'ignore ce qui me pousse vers lui mais je me sens aimantée à cet Elfe et je crois que c'est réciproque. Il veut m'aider mais il pourrait se retrouver en danger et ça je ne peux le permettre. C'est assez dur à dire, aussi je ne conçois pas l'idée de me retrouvée séparée de lui mais, si vous ...

Atanys reprit son inspiration, au bord des larmes.

-Si vous pouviez trouver un moyen de l'occuper quelques jours durant ? Il sait que je dois me rendre à Fondcombe pour chercher des renseignements, il ne faut pas qu'il ne me suive au delà, car je dois accomplir une chose, une chose que je dois faire seule ... Mais ne vous en faites pas, je ne pense pas courir le moindre risque.

Toutefois, même si le fait qu'elle ne courait aucun risque était un mensonge, Atanys espérait que Melwaen accepterait de l'aider. Pour Hyolendas, quant à Leilla, elle semblait curieusement l'avoir oubliée, pour finir.

La conversation battait son plein et déjà dans l'idée de sonder au mieux son esprit, Melwaen essayait de capter tout ce qui émanait de sa consœur. Sa propre sensibilité avait toujours été exacerbée, c'était inné chez elle. C'était sans doute pour cela aussi que cette voie lui avait semblé toute indiquée. Elle n'avait aucun mal à être à l'écoute de la Nature, des animaux et de tous les êtres à son contact. Chaque fois elle essayait de les comprendre au mieux. Les maîtres du savoir doivent faire preuve de cette ouverture là pour pouvoir appréhender leurs pouvoirs et les utiliser. Alors le fait qu'Atanys soit déconnectée des siens n'était pas surprenant. Elle avait peur d'elle même et de ce dont elle était capable. L 'elda réfléchissait toujours en l'écoutant, puis lui lui fit par de ses pensées.

« Notre pouvoir est aussi en rapport avec nos émotions, il y a tant d'angoisses chez toi, de frustrations aussi et de colère, même si je pense que la dernière n'est pas entièrement de ton fait. Peut être pourrais tu t'isoler dans un endroit vide de monde et laisser libre court à tes émotions, pour les évacuer. Je ne parle surtout pas de te laisser submerger par elle, juste de reconnaître qu'elles sont là plutôt que de vouloir tout noyer au fond de toi. Elles ne disparaitront pas seules et à trop garder l'on risque d'exploser comme tu dis le faire pendant tes « crises ». Tu pourrais se faisant lancer un sort puissant, une incantation liée aux éléments et un peu de ta rage s'en irait avec la bourrasque ou le feu. Je te conseillerais bien la méditation mais si un être maléfique occupe ton esprit, il pourrait en profiter pour te manipuler d'autant plus lorsque tu l'ouvrirais pour regarder en toi. Nous pourrions passer du temps ensemble pour que tu me parles de tout cela, les mots s'envolent avec un peu de nos peines parfois lorsqu'une oreille compréhensive accepte de les entendre. Nous en profiterons pour travailler notre connexion, la communion avec la Nature nous y aidera d'abord et là encore tu auras besoin de tes pouvoirs. Sans doute cela vous réconciliera un peu, il faut retourner à la source lorsque l'on se
sent perdu. »

Sa tirade terminée, Atanys lui parla d'un autre sujet de préoccupation, et du secret qu'elle voulait la voir garder au sujet du mal qui la rongeait. Melwaen sourit en voyant le regard de la jeune elda s'illuminer à l'évocation de ses amis, d'un en particulier. Elle reconnaissait cette lueur sans peine étant donné que... Non l'heure n'était pas aux rêveries, elle devait rester concentrée sur la discussion actuelle. Lorsqu'elle vit l'émotion menacée de submerger sa consœur, Melwaen posa sa main sur son épaule, en un geste chaleureux autant que rassurant. Son regard bleu était plongé dans le sien et lui aussi n'était que douceur.

« Sois rassurée Atanys, ton secret sera bien gardé. L'amour de ceux qui nous sont chers est la plus grande force qui puisse nous animer, il s'accompagne d'espoir. Ce sont deux puissantes armes dont le mal ne pourra jamais se servir. Ne l'oublie jamais même dans les ténèbres, ils te seront lumière. Si tu penses que tu dois entreprendre ton voyage seule je respecterais cela et t'aiderais à t'y préparer. Pour Hyolendas il ne me sera pas difficile je suppose de l'envoyer ailleurs pour un moment, je ne pense pas qu'il me refuse cela. Je ne suis pas très rassurée à l'idée de te savoir seule en ce moment mais tu as en main ton destin. Je ne peux que te mettre en garde, t'apporter mon aide et mon soutien ici et maintenant. Seulement si là-bas tu es en difficulté, pense à envoyer l'un de tes compagnons vers moi. Je parle leur langage tout comme toi, ainsi je pourrais te retrouver et te venir en aide. »

Melwaen n'était pas rassurée et elle répugnait à la laisser partir sans compagnons. Elle se doutait cependant qu'Atanys le ferait sans sa permission et ce n'était pas de brimade dont elle avait besoin ici, mais de compréhension et d'écoute. Et cela, la guide pouvait le lui apporter.

Atanys fixa alors Melwaen avec un peu de dispersion dans l'âme.
Les mots de son "professeur" n'étaient pas tombés dans l'oreille d'une sourde et pourtant, Atanys préférait ne pas laisser libre cours à ses pulsions, même dans un milieu isolé. Selon elle son devoir, et cela Melwaen l'avait bien compris, c'était d'apprendre à s'harmoniser, à maîtriser ses pulsions sans les contenir, à les laisser s'échapper avec la demie mesure qui était nécessaire. On effectuait souvent les même lignes de conduites dans un ordre donné, suivant certains contexte et l'expérience qu'on en a eu les fois précédentes. Atanys n'avait pas perdu la maîtrise de ses pouvoirs, elle avait oublié comment s'y prendre.

-Un rappel, un semblant de souvenir pourrait suffire à me faire recouvrer toute la mémoire que j'ai perdu vis à vis de mes pouvoirs. Je ne les utilisais pas bien différemment de vous autrefois, pourtant, je ne sais plus comme je m'y prenais. Ca ne fait pas tout je le sais, mais cela dit, me souvenir pourrait déjà être un bon point, si on ne considère pas, bien sur, que cela ramène les ennuis que j'ai rencontré avant au passage ... Vous ne devez pas seulement lire en moi pour essayer de trouver la source du problème, j'aimerais que vous m'aidiez aussi à ramener à la surface les choses que j'ai enfouie ... Vous comprenez ?

Atanys savait que oui.
Elle avait alors l'impression de se répéter cela étant dit, il fallait voir une complémentarité entre "visiter des rêves pour trouver un problème" et "Profiter de ces rêves pour ramener des souvenirs". C'était deux choses bien distinctes et entièrement nécessaire, comme le fait de s'harmoniser avec ses pouvoirs.

-Merci pour tout chère Melwaen.
Je vais vous laisser à présent vous devez avoir à faire. Je vais essayer de m'exercer à laisser un peu s'exprimer la magie qui vit en moi. Lorsque je penserai avoir obtenu des résultats, je viendrais vous voir. Nous pourrions alors peut être débuter une première séance de connexion ?

Et Atanys commença à se diriger vers la porte du bureau, espérant que Melwaen la raccompagnerait tout en répondant à sa dernière question. Le moment était venu de se retirer, afin de méditer un peu sur tout ce qui avait été dit et de réfléchir ...

Les éclaircissements d' Atanys ne furent pas superflus. Finalement la tâche se révélait plus difficile encore que la guide ne l'avait perçu. Pour y parvenir il faudrait en effet qu'elle ouvre son propre esprit à elle pour qu'elle puisse y voir ce que Melwaen voyait. Cela compliquait les choses, il faudrait obtenir une connexion intense entre elles deux pour y parvenir. Elle devrait travailler seule elle aussi pour se préparer à ce moment. Ce n'était pas ce qui l'angoissait pourtant.

« Je n'avais pas compris les choses ainsi. Mais soit, je ferais de mon mieux pour atteindre tes souvenirs et te les faire partager. Je vais réfléchir à tout cela, parcourir quelques livres aussi pour voir si certains passages pourraient m'être utiles. Et je méditerais de mon côté pour être le mieux disposer à cet échange. »

Le moment de se quitter était venu, elles avaient toutes deux besoin de mûrir toute cela et d'analyser les attentes comme les besoins de chacune. Elle raccompagna sa consœur jusqu'à l'entrebâillement de la porte de son bureau. Elle regardait la jeune elfe avec beaucoup de tendresse à présent qu'elle prenait congé. Melwaen avait toujours à cœur de couver ses ouailles et elle éprouvait pour Atanys une tendresse toute particulière. Sans doute était-ce parce qu'elle ressentait chez elle une certaine fêlure et des doutes, qu'elle avait elle-même connu des sentiments approchant. Elle ne pouvait s'empêcher d'être inquiète pour elle. Bien souvent il n'y a pas pire ennemi que soi-même. D'un geste maternel et spontané elle caressa la joue de
l'elda.

« Prends soin de toi Atanys, nous nous reverrons bientôt pour mettre en œuvre ce dont nous avons parlé. N'oublie pas que ma porte t'est grande ouverte et que l'écoute est une qualité autant que de savoir reconnaître quand nous avons besoin d'aide ou de conseils. A bientôt, que la lumière d'Elbereth t'accompagne toujours, et qu'elle te préserve de tes ténèbres. »

Elle la regarda traverser le grand salon des Ombres avec une certaine appréhension sur ce qui les attendait. Elle se reprit toutefois, craindre les choses ne les empêche pas d'arriver. Il serait toujours temps de régler les problèmes un à un s'ils survenaient. Une fois que la jeune elfe fut sortie de son champ de vision, elle retourna à sa paperasse. Elle avait de nombreuses chose à terminer encore avant de pouvoir repenser à tout cela...

» Acte II : Que tombe la pluie d'or