Cet oiseau volait vers l'Est, les vents de Manwë le balotaient tels les flots et la feuille de Lorien...
Sans savoir pourquoi, répondant à un chant lointain, Thuranor enfourcha Rôthinzil et chevaucha vers l'orient à
travers les vertes contrées d'Anuminas et du Fornost, laissant derrière lui les hauts tombeaux silencieux et les
tertres corrompus...à peine importuné par les pilleurs de tombes qui fuyaient sur sa route, Il poursuivit sa
chevauchée, nuit et jour, évitant les zones d'habitations, mangeant peu, s'abreuvant d'eau de source et faisant
bivouac qui au milieu de ruines, qui au pied d'antiques statues oubliées...
Il y eut bien quelques orques en chemin, mais ils ne nuiraient plus...
A chacune de ses escales, dès que se fermaient ses yeux, il continuait son voyage sur un sol pavé d'or où la pluie
n'était que musiques et chants lointains, errant au hasard, dans une forêt d'immenses colonnes d'argent soutenant des dômes
d'airain...
A chaque nouveau bivouac, à chaque nouveau rêve, il se rapprochait de son île qui devenait tour à tour
un oiseau puis une étoile, un chant puis une femme, mais dès qu'il en était trop près, dès qu'il l'appelait, elle
disparaissait comme la lune au matin...
Vinrent les terres des trolls et leur lot d'escarmouches, puis la lande des géants et des combats farouches...Les
ruffians de Dûn montant durement la garde, les ourouks de la Main Blanche, espions de l'Isengarde...Il y eut le
froid mordant des vents des Monts Brumeux, et quelques nains défunts drappés dans d'un suaire neigeux...Puis à
nouveau le chaos, la faim, le froid, la fatigue, les ténèbres et l'inconscience...
...
Bercé par le roulis de son destrier au pas, courbé sur sa selle, Thuranor revint à lui à l'aube, recevant la douce caresse
des chauds rayons du soleil naissant. Il avait laissé derrière lui le haut col du Caradhras et s'étendait
devant lui vers l'Est une vallée verdoyante à l'atmosphère curieusement très familière...Demandant à Rôthinzil s'il ne rêvait
pas, celui-ci s'ébroua et ponctua la conversation par un hennisement grave qui ne manqua pas de faire sourire le
capitaine exténué.
Mais s'il ne rêvait pas, pourquoi les voix d'anges continuaient-elles à chanter?
Et l'une d'elles lui chanta dans la langue de Daemoth: "Vers l'Est encore un pas et ton destin finira là!"...