Thuranor, récit d'un adoubement

-"Thuranor fils d'Aranor, approchez". La voix impérieuse du surintendant Denethor avait tonné dans la grande salle
d'Ecthelion, comme un eodred rohirrim en pleine charge.

Thuranor se redressa, sous le regard froid des statues des anciens rois bordant la nef, et sous celui des gardes de
la Tour Blanche, vêtus de la livrée noire brodée d'argent figurant les armoiries d'Elendil, arbre blanc fleuri
de sept joyaux, surmonté d'une couronne scintillante sous sept étoiles.

Derrière le vieux régeant du Gondor au visage pâle et froid comme le marbre, se dressait sur la plus haute marche
de l'estrade, le trône vide des héritiers du dernier prince de Numenor.

Thuranor s'avanca et déposa sollennellement son épée sur un coussin de velours noir cousu de fil blanc prévu à cet
effet, puis plongea pour la première fois de sa jeune vie, le bleu acier de ses yeux dans le noir de jais de ceux
du Gardien du royaume.

Thuranor chassa rapidement le frisson qui venait de faire tréssaillir son âme, alors que les lèvres de l'Intendant
faisaient à nouveau trembler les hautes colonnes sombres:

-"Répétez après moi vous prie-je!". Le noble vieillard se saisit de la lame et la tendit garde en avant vers son
porteur légitime, lequel posa sa main gauche sur la garde et la droite sur son coeur.

-"Je jure ici d'être fidèle au Gondor et au Seigneur et Intendant du royaume,
de les servir, de parler et d'observer le silence, d'agir et de laisser faire,
de venir et d'aller, en temps d'abondance ou de disette,
de paix ou de guerre, dans la vie ou dans la mort,
dès ce moment et jusqu'à ce que mon seigneur me délie,
que la mort me prenne ou que le monde périsse.
Ainsi parlé-je, moi, Thuranor fils d'Aranor de l'Anorien en Gondor."

-"Et je l'entends, moi, Denethor fils d'Ecthelion, Seigneur de Gondor, Intendant du Puissant Roi,
je ne l'oublierai pas et je ne manquerai pas de récompenser ce qui est donné:
la fidélité par l'amour, la valeur par l'honneur, le parjure par la vengeance."

Nuls cors, nuls tambours ne vinrent ponctuer le serment, rien que le silence précédant un nouveau grondement:

-"En ces jours de printemps, où ne fleurit l'Arbre Blanc,
En ces nuits sans étoiles, l'espoir va croissant,
Quand de l'Andrast au Pelennor sonnent les cors d'argent,
des nobles capitaines porteurs de la gloire d'antan."

Le timbre de voix était plus clair et plus puissant, semblable à Denethor, mais la bonne humeur en plus. Pour cause,
cette voix était celle de Boromir, fils ainé de Denethor, le plus vaillant capitaine du Gondor, un seigneur
considéré par son peuple comme un guide autant qu'un frère, et qui venait de faire fi du protocole en sortant des
rangs un large sourire aux lèvres afin de saluer un nouveau frère d'armes.

Personne ne paru surpris et les visages se décrispèrent, car ainsi était Boromir, modèle d'espoir et porteur du Cor
du Gondor.